[INTERVIEW] Mona Granjon "L’adolescence est un sujet tellement vaste qu’on pourra toujours dire quelque chose dessus"

Mona Granjon, qui signe, avec « Demi-pensionnaires », sa première BD, saisit avec justesse et tendresse le portrait d’un petit groupe en pleine ébullition. Entretien avec une jeune autrice prometteuse

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[INTERVIEW] Mona Granjon "L’adolescence est un sujet tellement vaste qu’on pourra toujours dire quelque chose dessus"
Tara Lennart

Tara Lennart

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26/7/2023
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7 min
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Ah, l’adolescence, cette magnifique période, marquée par la gêne, le mal-être et l’envie d’être enfin adulte. Âge bête ou ingrat, pour trop d’adultes, c’est surtout l’époque où l’on pose les bases de notre futur, où l’on expérimente, sans trop savoir où on va se retrouver. Mona Granjon, qui signe, avec « Demi-pensionnaires », sa première BD, saisit avec justesse et tendresse le portrait d’un petit groupe en pleine ébullition. Les filles, les garçons, l’alcool, l’amour, l’amitié, les 400 coups, l’autrice décrit ce quotidien sans jamais tomber dans la caricature ou le cliché, bien au contraire. Jamais elle ne se défait d’un point de vue juste, servi par un sens du cadrage très original. On s’attache terriblement à ces personnages aux grosses têtes et aux gros pieds qui nous font étrangement penser à des gens que nous aurions pu croiser. Ou être.

© James Granjon

Comment êtes-vous devenue autrice de BD ? Qu’est-ce qui vous a amenée à ce métier ?

Quand j’étais ado, je lisais beaucoup de BDs et de mangas à la médiathèque. Vers 12 ans j’ai découvert les blogs BDs qui sont un peu devenus ma passion pendant les années collège et lycée. J’ai compris que la plupart des auteurs et autrices que je lisais avaient fait les Arts Décoratifs de Strasbourg. Après le lycée j’ai donc fait une prépa aux écoles d’art pour ensuite passer le concours de la HEAR Strasbourg (anciennement Arts Décoratifs) où je suis restée pendant cinq ans.


Quelles sont vos inspirations, en général ?

En BD j’adore les ouvrages autobiographiques comme les livres de Julia Wertz, ou les mangas de Kabi Nagata. J’aime aussi beaucoup la série de BDs Wendy de Walter Scott, qui n’est pas forcément autobiographique mais qui sent tout de même le vécu. Je m’inspire aussi beaucoup de séries comme Pen15 ou encore Gravity Falls pour le dessin.


Pourquoi avez-vous choisi le noir et blanc pour cette première BD ?

"Demi-Pensionnaires" vient à la base d’une courte histoire de douze pages que j’avais écrite et dessinée pour mon diplôme. J’avais travaillé en niveaux de gris et en trames pour économiser du temps et de l’encre d’imprimante. Au moment de faire Demi-Pensionnaires je me suis rendue compte qu’ajouter de la couleur n’amenait rien à l’histoire, j’ai donc gardé les planches en noir et blanc.


Comment s’aborde le traitement d’un sujet aussi universel (sans redite, en plus) ?

J’ai l’impression que l’adolescence est un sujet tellement vaste qu’on pourra toujours dire quelque chose dessus ! Pour ma part, vu que c’est un récit semi-autobiographique, je me suis concentrée sur ma propre expérience et sur les anecdotes de mes amies de l’époque, qui restent celles d’ados blanches et hétéros.


Au niveau du style graphique, comment se définit-il ? Comment s’affirme-t-il ?

Pour mon dessin, je me suis beaucoup inspirée de dessins animés américains que je regarde depuis l’adolescence comme Gumball, Futurama ou, comme dit plus tôt, Gravity Falls. D’où les mains boules et les gros pieds.


Comment travaillez-vous ? Spécialement sur cet album, que vous avez scénarisé et dessiné.

Je pars d’une idée générale de mes personnages et des liens qu’ielles entretiennent. Ensuite je dessine le storyboard page à page dans l’ordre chronologique, en suivant une grille de douze cases, où je laisse mes personnages faire leur vie. Quand j’ai fini mon storyboard, je l’envoie à mes ami.e.s et après quelques retouches je le passe au propre. Pour le dessin j’utilise une Cintiq et j’encre en moyenne une page par jour.


Quels sont vos projets ? Vos autres activités ?

En ce moment j’anime beaucoup d’ateliers de BDs pour les ados. J’organise aussi une exposition avec Charlotte Bresler qui s’appellera Cringe Party et qui aura lieu le 17 juin à la Boucherie Banane dans le cadre du festival BIM à Marseille, on y exposera tout nos carnets de dessins depuis cinq ans. Je travaille aussi sur un nouveau projet de BD qui sera plus pour adulte cette fois-ci.

Editions Virages Graphiques

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