Excellence, cheval, Italie, les trois mots-clé de ce roman ado où règne une ambiance poisseuse, alourdie par les non-dits et l’abus.
Polar. Nom commun désignant un genre littéraire complexe, parfois génial, parfois un peu fourre-tout, tellement touffu qu’il faudrait une véritable initiation par un maître expérimenté avant d’arriver à se retrouver dans cette jungle en noir. Ceci est un coming out. Vous l’aurez compris : on n’y connait rien en polars. Non, rien du tout. Quelques uns lus par ci par là, un intérêt timide, parfois certain quand il rejoint notre goût des losers, gueules cassées et alcoolos solitaires, mais point de brillantes références en magasin.
Pourtant, on a lu un polar. Français. Ecrit par une femme. Oui, tout ça à la fois. Et on s’est pris une bonne baffe façon match de boxe clandestin dans la cour de ta tante qui arrondit ses fins de mois en laissant les gars du coin se taper dessus contre quelques bières. « Petite Louve » est le premier roman de Marie Van Moere, écrivain française vivant en Corse, petit pays qu’elle connaît bien. Elle nous y emmène pour une virée brutale et sanglante. Une mère vient de venger sa fille, violée par un gitan, en le trucidant avec soin. Mais qui dit gitan dit… famille. Et famille pour le moins tarée, violente et prête à tout pour venger à son tour l’honneur de la fratrie. Oui, bon fallait pas commencer, comme dirait l’autre, mais bon, c’est ainsi. La course démarre dès les premiers lignes du livre et ne s’arrête qu’à sa fin, pied au plancher et souffle court, avec quelques cadavres sur le bord de la route.
L’histoire est simple, comme souvent dans ce style parait-il, mais là n’est pas le propos. Marie Van Moere va à l’essentiel, toujours au coeur de l’action sans laisser beaucoup de place au doute ni à la respiration. Tout va très vite, dans une urgence réaliste et glaçante. L’histoire se déroule sans laisser au lecteur le temps de réfléchir, de se poser des questions. Les questions il se les pose après, une fois qu’il s’est pris une droite dans les dents. Qui est dans son droit ? Moral et personnel. Qui a tort, dans le fond ? Qui aurait dû ne pas réagir de telle ou telle manière ? Est-ce qu’on peut tuer un criminel, quitte à entraîner une surenchère dangereuse ? Des questions qui, dans un monde régi par la violence, se posent, lois ou pas lois, morale ou pas morale. Il y fort à parier que les défenseurs de la morale et de la loi ne seraient pas les derniers à sortir les couteaux si on touchait à leurs proches…
Bref, vous l’aurez compris, on adore, même si à cause de ce livre, on a raté une nuit de sommeil équilibré et qu’une fois les yeux fermés, on a rêvé de coups de feu et de maquis corse. D'odeur de brûlé et la sueur rance de la peur.
Petite Louve, de Marie Van Moere. Editions La Manufacture de Livres