Making-Of Graphique : Putain de vies ! de Muriel Douru - Episode 3

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Making-Of Graphique : Putain de vies ! de Muriel Douru - Episode 3

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21/11/2019
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Après la genèse, puis l'écriture de Putain de vies ! ce troisième et dernier volet de notre making-of graphique aborde l'univers autour de l'album. Il est question de recherches, de positionnement personnel et d'engagement féministe, de prise de conscience et de résilience.

3. L'univers autour de l’album

Avez-vous mené des recherches parallèles à votre sujet, lectures, documentaires, etc ? 

Oui, forcément, afin d’accentuer ma compréhension de cet univers inconnu. J’ai écouté toutes les émissions sur le sujet que j’ai trouvé, en podcast, sur France Inter et France Culture. J’ai regardé des reportages sur Youtube, le documentaire « Là où les putains n’existent pas » d’Ovidie- qui a écrit la préface de mon livre- et j’ai accompagné Maïwenn, de l’association Paloma de Nantes, en maraudes de nuits. Par ailleurs, j’ai mené un travail un peu similaire avec la mairie de Nantes durant l’année 218 : la Direction de la Santé Publique est allée à la rencontre des travailleuses du sexe de son territoire- qui sont souvent des migrantes africaines- pour entendre leur quotidien et demander leurs besoins. Un projet positif je trouve, de la part de la mairie, pour connaître les « invisibles » de ses rues.

Les rencontres ont eu lieu dans les locaux de Paloma, de nombreuses TDS sont venues témoigner et j’ai assisté aux échanges, non seulement pour réaliser des croquis qui ont servi à la réalisation d’un fascicule illustré mais aussi en vue de mon travail sur le livre. Pour autant, je ne me sens pas une « spécialiste » de la question, j’ai juste entendu et transmis la parole des principales concernées. 

Qualifieriez-vous votre travail ou votre démarche, de féministe ?

Complètement, tout simplement parce que je transmets la parole de femmes et, qui plus est, de femmes complètement invisibilisées, stigmatisées et bien souvent violentées. Pourtant, je sais combien ce sujet divise les féministes. Enfin, disons plutôt que j’ai découvert pendant la réalisation de ce livre, combien ce sujet divise les féministes. Entre les abolitionnistes et les « pro-sexe », j’ai découvert tout un monde militant dont je n’avais pas idée et qui ne s’est pas révélé toujours très tendre sur les réseaux sociaux. 

Pourquoi ?

Je me suis souvent posée la question puisque mon travail a consisté à donner la parole aux principales concernées, à celles que les militant.e.s veulent défendre, donc je n’ai pas compris comment on pouvait s’opposer- par avance !- à un livre qui les sort de l’ombre et qui les valorise.Ce n’est pas MON avis que je donne dans ce livre et d’ailleurs, celui-ci n’a aucune importance. Je ne veux pas rentrer dans le débat, souvent agressif, lié au travail du sexe (rien que l’utilisation de ces termes- qui sont pourtant ceux conseillés, utilisés par les associations mondiales de santé et par les TDS elles-mêmes- suscitent l’agressivité) parce que ce que j’ai découvert de plus introspectif dans ces rencontres, c’est à quel point je suis privilégiée.

Et en tant que privilégiée, je ne serais jamais complètement « dans la peau » de ces personnes que j’ai rencontrées qui ont connu des drames épouvantables, qui ont connu la faim, parfois dés l’enfance, qui ont connu la violence, très fréquemment, qui sont dans un mode de survie qui m’est complètement étranger. Mon but c’est donc de transmettre leurs mots, de partager leurs vécus et qu’on les écoute enfin. Après, si certain.e.s sont incapables de les entendre, soit parce que ça ne rentre pas dans leurs dogmes, soit parce que ça les choque, je ne peux rien faire.

Vous traitez d’un sujet dur humainement parlant, comment avez-vous géré personnellement l’impact émotionnel de ce travail ? 

Pas toujours bien, non seulement parce que les histoires que j’entendais, les yeux dans les yeux, étaient douloureuses mais aussi parce que j’ai du gérer l’agressivité de certain.e.s militant.e.s sur internet. Après, et justement comme je le disais au dessus, j’ai bien conscience que la peine à écouter une histoire violente est sans commune mesure… avec la peine de vivre cette histoire violente ! Ma vie à moi est toujours confortable, harmonieuse, et je pense bien souvent à ces femmes qui, toutes les nuits, retrouvent le trottoir pas loin de chez moi.

Et puis, ces personnes m’ont énormément apporté, non seulement émotionnellement mais aussi intellectuellement. Elles ne sont présentées que comme des victimes or je les ai trouvées incroyablement fortes, courageuses, résilientes… je ne pensais pas, avant de les rencontrer, qu’un être humain pouvait supporter autant d’épreuves et avoir toujours en lui/elle, cette volonté de vie, cette rage de s’en sortir. Elles m’ont donné encore plus envie de lutter contre les inégalités et le patriarcat qui laissent tellement de femmes dans le manque et la souffrance.

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