Excellence, cheval, Italie, les trois mots-clé de ce roman ado où règne une ambiance poisseuse, alourdie par les non-dits et l’abus.
Au commencement de l'œuvre d'Amandine Dhée était "La femme brouillon", un premier essai sur la maternité et le poids social qui pèse sur les futures mères. Avec "A mains nues", c'est une plongée dans l'identité féminine que nous livre l'autrice, une mise en lumière de la trajectoire d'une femme. Sa construction et ses paradoxes, ses recherches et ses questionnements, avec, toujours la volonté de se défaire du cadre patriarcal qui veille à soigneusement conditionner les femmes à travers des injonctions, latentes ou manifestes. Il y a chez Amandine Dhée une capacité à parler à toutes les femmes, un souffle, une colère qui nous donne des ailes à la lecture de ses mots.
Après la maternité, vous abordez la question de la construction identitaire féminine, qu’est-ce qui vous amène à explorer ces thématiques ?
J'écris toujours à partir de mes propres questionnements, et chaque livre est l'histoire d'une recherche, d'une bataille pour tenter d'y répondre. Dans A mains nues , une femme s'interroge sur ses désirs et chemine vers elle-même. Elle rend visite à l'enfant et l'adolescente qu'elle a été pour mieux se comprendre. La construction du livre n'est pas linéaire car cette femme est toujours habitée par l'enfant et l'adolescente qu'elle a été. Elle dialogue avec elles. En partageant ce texte, je fais le pari que d'autres personnes sont à la quête de leur désirs et se posent la question de leurs choix. J'écris aussi parce qu'il me semble que ces questions sont encore trop absentes du paysage littéraire, même si cela évolue. Il y a un vrai mouvement, je crois, d'émancipation des femmes, est ce livre est une petite pierre pour y contribuer. Il me semble qu'il est encore difficile pour les femmes d'être à l'écoute de leurs propres désirs, en se dégageant des déterminismes et de la morale. La maternité, la sexualité et le désir des femmes ne sont pas des sujets illégitimes, ni secondaires. Ils nous fondent.
En tant qu'écrivaine, j'ai le sentiment que mon rôle est de poser des questions
Quel est le cœur du message que vous souhaitez délivrer aux femmes ?
Je ne pense pas avoir de message à délivrer, je ne veux surtout pas surplomber, encore moins brandir de nouvelles injonctions. Je partage une parole faite aussi bien de conquête de liberté que de contradictions. L'humour tient une grande place dans mes textes, parce qu'il invite à se dégager des carcans habituels mais offre aussi une respiration, une complicité possible. L'espace du livre est une invitation à ralentir, à s'offrir un temps suspendu à l’intérieur de nos vies saturées. Le texte devient alors un miroir, où chacun.e est invité à se regarder. A partir de là, le texte ne m'appartient déjà plus tout à fait... Si des adolescentes me lisaient, j'espère que mon livre les aiderait à ne pas tomber dans les pièges si souvent tendus aux femmes et à batailler pour défendre leurs désirs.
Pensez-vous qu’un jour, ces livres et démarches ne seront plus utiles ?
En tant qu'écrivaine, j'ai le sentiment que mon rôle est de poser des questions et d'empêcher la société de ronronner tranquillement. J'écris comme d'autres dansent, sculptent, peignent pour interroger la norme. Mais je ne veux surtout généraliser ma façon d'envisager l'art, et encore moins lui conférer une quelconque utilité. Ce serait présomptueux, et surtout cela amènerait à faire une distinction entre les artistes de l'utile et ceux de l'inutile... Pour créer il faut du désir, c'est cela qui est fondamental à mes yeux. Pour répondre à votre question, il est évident que les enjeux évolueront mais oui, je pense qu'il y aura toujours besoin de livres qui nous secouent un peu, participent à une réflexion collective, et surtout, nous rappelle à quel point l’intime est politique.
A mains nues. Amandine Dhée. Editions La Contre Allée.
Amandine Dhée, à l'honneur du podcast spécial littérature féministe !