[INTERVIEW] Editions La Ville Brûle

Indépendantes, les éditions La ville brûle proposent, depuis 2009, d'entrer dans les sciences humaines et sociales par une porte ludique et pédagogique.

[INTERVIEW]  Editions La Ville Brûle

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12/3/2021
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Indépendantes, les éditions La ville brûle proposent, depuis 2009, d'entrer dans les sciences humaines et sociales par une porte ludique et pédagogique. Structurée autour de l'essai, la maison s'aventure avec bon goût sur d'autres chemins éditoriaux : BD, romans, poésie, jeunesse, beaux-livres, jeux de société... Toujours politique, toujours militante, toujours intelligente, cette ville qui brûle de culture et de partage. Rencontre avec Marianne Zuzula, confondatrice de la maison. Afin de prolonger la découverte, une rencontre avec Marie Kirschen et Anna Wanda Gogusey dans le cadre du festival Colères du Présent est à retrouver par ici.

« la ville brûle », pourquoi ce nom ? Comment cette maison est-elle née ? 

Raphaël et moi étions éditeurs free-lance, essentiellement en scolaire/parascolaire, et nous avons souhaité en parallèle créer notre propre maison d’édition pour pouvoir faire des livres qui collaient plus à nos envies. On souhaitait essayer des choses, se faire un peu plus plaisir (même si nous n’étions pas des éditeurs de scolaire frustrés, en fait on adorait ça malgré les nombreuses contraintes liées à ce type d’ouvrages). Nous souhaitions aussi pouvoir mener un travail plus artisanal, faire peu de livres (8 par an maximum), mais les suivre et les travailler de bout en bout avec beaucoup d’attention. Le nom vient de la dernière phrase d’Électre, de Giraudoux : 

« Comment cela s'appelle-t-il, quand le jour se lève, comme aujourd'hui, et que tout est gâché, que tout est saccagé, et que l'air pourtant se respire, et qu'on a tout perdu, que la ville brûle, que les innocents s'entretuent, mais que les coupables agonisent, dans un coin du jour qui se lève ?

- Cela a un très beau nom, femme Narsès. Cela s'appelle l'aurore. »

Comme définissiez-vous votre ligne éditoriale ? Qu’est-ce qu’on trouve à lire et découvrir chez la ville brûle ? 

Notre ligne éditoriale était au départ centrée sur des essais en sciences/société et SHS, puis nous avons commencé à faire des livres jeunesse et nous sommes devenus plus généralistes (essais, jeunesse, BD, un peu de littérature), avec la même ligne éditoriale, qui est à notre image : engagée, féministe, et avec une volonté d’être le plus accessible possible. Nous voulons que tout le monde se sente autorisé à lire nos livres, que même les contenus les plus pointus soient super abordables). 

Comment choisissez-vous les livres que vous éditez, avec quel regard, quelles envies ? 

Nous publions 8 livres par an, répartis de la façon suivante : environ 2 essais, 2 ou 3 albums jeunesse, 2 ou 3 romans graphiques, un roman. Mais il n’y a pas de règles fixes ni de quotas, cela répond vraiment à nos envies, nos rencontres, nos coups de cœur. Nous n’avons pas de logique de collection, nous ne disons jamais (et personne ne nous le demande) : « Oh, on n’a pas fait de roman jeunesse depuis 2 ans, il faut absolument en faire un. » La seule règle que nous nous imposons est de ne jamais publier de livre s’il en existe déjà un qui aborde le même sujet de la même façon. Notre façon, à notre modeste niveau, de lutter contre la surproduction et les logiques de flux de l’édition !

Depuis plusieurs mois, vous prenez une direction de plus en plus affirmée en faveur du féminisme, de l’éducation, de la libération de la parole… Comment avez-vous défini ce positionnement ?  

Ce n’est pas spécialement récent, c’est même notre ligne éditoriale depuis le début, tout simplement parce que tous nos livres depuis le début, sont en adéquation totale avec nos engagements et nos convictions. Contrairement aux grosses maisons d’édition qui peuvent publier des autrices et auteurs ayant des engagements radicalement différents, voire même diamétralement opposés, nous sommes en accord avec chaque ligne, chaque mot, de chaque livre que nous publions, et ce depuis le premier jour.

Quel est le rôle d’un éditeur, selon vous, dans la société actuelle, les messages à faire passer auprès d’un public en quête de sens ? 

Les livres permettent de parler de certains sujets, de les faire émerger dans la sphère publique, on le voit avec des livres comme Le consentement, de Vanessa Springora, et La familia grande, de Camille Kouchner. Ces deux livres sont à l’origine d’une véritable révolution, il y aura vraiment un avant et un après, et c’est quelque chose d’extrêmement fort que d’assister à ça, de voir le pouvoir de l’écriture, de la lecture et du débat. En ce qui concerne les livres jeunesse, ils permettent d’ouvrir la discussion entre enfants et parents, y compris sur des sujets délicats, pas toujours faciles à aborder, ce qui fait du bien aux parents autant qu’aux enfants ! Dans tous les cas, même si la lecture est une activité solitaire, les discussions et échanges autour des livres permettent de mettre en œuvre une forme d’intelligence collective dont on a vraiment besoin en ce moment.

Quel est le livre que vous rêvez d’éditer ? 

Haha ! Un livre de cuisine (un livre de cuisine politique, féministe, super beau, bien sûr !)! Je le dis depuis le début, c’est mon Graal ultime, et ensuite je pourrai arrêter…

https://www.lavillebrule.com

Les illustrations sont issues de "Herstory", écrit  par Marie Kirschen et illustré par Anna Wanda Gogusey. Editions la ville brule

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