Excellence, cheval, Italie, les trois mots-clé de ce roman ado où règne une ambiance poisseuse, alourdie par les non-dits et l’abus.
Des couvertures graphiques et élégantes, des auteurs et autrices de toute l'Europe, un bandeau "Prix Littéraire de l'Union Européenne" : l'esthétique des éditions Bleu & Jaune interpelle. Leur qualité éditoriale, une fois la lecture entamée, se révèle à la hauteur de leur élégance. Fondée en 2015, cette maison a pour ligne éditoriale "la découverte de l'autre". Une signature que son éditrice, Tatiana Sirotchouk, incarne, par son histoire, ses valeurs, et sa passion pour la littérature. Rencontre avec une maison d'édition française ouverte sur le monde.
Je suis éditrice parce que... la littérature et les livres font partie de ma vie depuis – presque – toujours. C’est vital pour moi, c’est comme respirer…
Comment êtes-vous devenue éditrice ?
J’ai fondé Les Éditions Bleu et Jaune en 2015, après avoir fait de longues études littéraires et travaillé dans l’enseignement supérieur et la recherche. Mais l’histoire remonte à mon enfance : quand j’ai appris à lire, assez rapidement je ne me contentais plus de lire des livres, je voulais en faire. Je me voyais bien à la tête d’une maison d’édition… sans imaginer pour autant qu’elle serait à Paris. Devenir éditrice m’a aussi permis d’agir. Contempler le monde, c’est bien, contribuer à ce qu’il devienne meilleur et plus beau, c’est encore mieux à mes yeux.
Comment avez-vous défini la ligne éditoriale de votre maison ?
Notre maison d’édition a pour ligne éditoriale la découverte de l’Autre, elle s’attache à cultiver l’ouverture sur le monde et à construire des ponts interculturels. C’est d’ailleurs ce que le nom « Bleu et Jaune » symbolise. À l’instar du bleu et du jaune qui donnent vie à une nouvelle couleur, le vert, une nouvelle richesse naît à chaque fois lorsque deux différences entrent en jeu : dans notre cas, il s’agit de la rencontre de littératures étrangères avec la langue et la culture françaises. Et l’esperluette, qui fait partie de notre logo, incarne ce lien que nous construisons entre pays et cultures. Concernant le nom, il y a bien sûr un clin d’œil à mon pays d’origine, même si les couleurs de l’Ukraine sont jaune et bleu. Mais, pour moi, c’est aussi une alliance très poétique, comme le prouvent plusieurs occurrences dans la littérature française. Ainsi, l’« apothéose [est] bleue et jaune » et « l’éveil [est] jaune et bleu », par exemple, chez Rimbaud, dans ses Illuminations. J’entretiens avec la littérature française une histoire très personnelle : c’est Guillaume Apollinaire qui m’a donné l’envie d’apprendre le français quand j’étais adolescente, et plus particulièrement ce vers : « Et souviens-toi que je t’attends »… Nous avons tous une histoire. C’est la mienne qui est à l’origine des Éditions Bleu et Jaune.
Pourquoi cette prédilection pour les auteurs·trices d’Europe ?
Il y a deux explications à cela.
D’abord, parce j’ai toujours évolué dans un milieu multiculturel où plusieurs langues, littératures et traditions cohabitaient : ma mère est une Polonaise catholique et mon père est un Ukrainien orthodoxe. J’ai toujours connu deux Noëls et deux Pâques. En outre, la langue et la culture russes ont été omniprésentes en Ukraine soviétique. J’ai fait mes études puis travaillé en tant que professeur à l’université de Tchernivtsi. La ville de Tchernivtsi se trouve à côté de la Moldavie et de la Roumanie et, encore aujourd’hui, affiche fièrement son passé austro-hongrois. En France, j’ai fait un doctorat en langue et littérature françaises sur le siècle des Lumières, le siècle le plus cosmopolite. J’ai travaillé par la suite à l’Inalco à Paris, vivier d’une centaine de langues et de civilisations, et fait partie de l’équipe de recherche Pluralité des langues et des identités (Plidam). Tout est affaire de rencontres et de dialogues des cultures, dans un respect réciproque et sans stéréotypes ni préjugés.
Ensuite, parce que j’ai été interpellée par ce constat : selon les données du Syndicat national de l’édition pour les années 2018 et 2019, cinq langues – l’anglais, le japonais, l’allemand, l’italien et l’espagnol – dominent le marché français de littérature étrangère, avec 89 % des titres traduits. Toutes les autres langues du monde constituent seulement 11 % des titres traduits en France. C’est pour représenter ces 11 % de langues, et plus particulièrement les langues et littératures qui se trouvent en Europe, que nous avons lancé la collection « Fiction Europe ». Je suis intimement persuadée que les langues moins répandues recèlent de grandes œuvres littéraires et notre objectif consiste à les rendre accessibles aux lecteurs français.
N’allez-vous publier que des lauréat·e·s de l’EUPL ? (le Prix Littéraire de l'Union Européenne)
Si nous avons inauguré notre collection « Fiction Europe » avec des livres ayant obtenu le Prix de littérature de l’Union européenne, c’est parce que nous avons constaté que même les livres primés en Europe ne sont parfois pas connus en France. D’ailleurs, la publication de ces titres en France est soutenue par le programme Europe créative de la Commission européenne. Mais la vocation de cette collection est plus large. Elle consiste à mettre en avant des œuvres littéraires européennes de qualité, connues et reconnues dans leurs pays respectifs et encore inédites en France. De jeunes auteurs talentueux vont côtoyer des auteurs récompensés au niveau international. Pour cette collection, nous avons mis en place une identité visuelle forte et unique. Là encore, nous sommes partis du nom de notre maison d’édition en prenant en compte que « le jaune apporte toujours une lumière » et « le bleu apporte toujours une ombre ». Cette approche circonscrit le concept de couvertures : avec jeux de couleurs, d’ombres et de lumières, elle donne une autre dimension à toutes ces œuvres venues d’ailleurs. Pour connaître nos prochaines publications, je vous invite à nous suivre sur les réseaux sociaux.
Quelles sont vos maisons préférées à part la vôtre ?
Toutes ces maisons d’édition indépendantes qui font un excellent travail, dont les livres traduisent, dans tous les cas, non seulement un choix éditorial, mais aussi et surtout un engagement humain.
Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans ce métier ?
Donner vie à quelque chose qui n’existait pas auparavant. Partir d’une idée, d’une envie, d’un rêve et aboutir à un livre qui trouve son lecteur, qui prend son envol…