Excellence, cheval, Italie, les trois mots-clé de ce roman ado où règne une ambiance poisseuse, alourdie par les non-dits et l’abus.
Il se dit « pas de nouvelles, bonnes nouvelles ». Parfois, ce n’est pas faux. Parfois ce n’est pas vrai. Surtout quand on plonge dans ces trois recueils de nouvelles particulièrement excellentes, dont vous pourrez demander des nouvelles à votre libraire !
Terminus Las Vegas - Pierre Mikaïloff. Direction l’ouest américain et sa galerie de paumés désenchantés qui ont l’air de peupler les bords de route, les dinner, les rues. Ces petites gens, ces losers un peu débiles parfois et bas du béret partagent un même objectif : rejoindre Las Vegas et démarrer une nouvelle vie. Mieux, forcément. Comme si le problème n’était « que » là… En dix nouvelles qui sentent le rock et le bitume, la biture et le sable chaud, Pierre Mikaïloff offre une virée américaine en compagnie, entre autres, de petits escrocs, amateurs de snuff, vieilles call-girls, réalisateurs mythomanes ou anciennes figures du rock devenues intermittents du spectacle. Les jeux sont faits, la partie est truquée : ils ne s’en tireront pas comme ça, et le lecteur non plus, oscillant entre sourire et compassion, tendresse et perplexité. Viva Las Vegas, vraiment ? Editions Paul & Mike
Le musée des poissons morts - Charles d’Ambrosio. Traduction de France Camus-Pichon. Voilà un drôle de musée. Une drôle de galerie de gens dépeinte par un naître de la nouvelle bien particulier. Les américains ont pris l’habitude de placer la barre très haut dans ce genre à part entière qu’ils dominent sans contestation. Parmi les « Grands », il faut compter cet écrivain discret, auteur de deux recueils de nouvelles et quelques essais. Huit nouvelles composent ce recueil tout en dentelle, où l’écriture ciselée et poétique permet d’approcher au plus près des personnages prisonniers de leur vie, dépassés par une lassitude existentielle sans issue. Un scénariste en HP, un artisan, un réparateur de machines à écrire, un petit garçon bagarreur… tous doivent faire face à leurs propres paradoxes, à des sentiments complexes, à l’immensité fragile qui définit la notion d’être humain, parfois. Or, ce n’est pas toujours évident. La lassitude, la folie, la tristesse guettent et, à force, ces gens ne cherchent plus à lutter, ils baissent la tête et l’assument. Par moments, on a presque l’impression qu’ils regardent défiler leur existence avec une certaine résignation, amenée avec une subtilité implacable par l’auteur. Charles d’Ambrosio réussit avec une délicatesse rare à capter les mouvements les plus sombres et douloureuse de l’âme humaine sans pour autant verser dans le pathos. Sans doute est-ce en partie à cette élégance que l’on reconnaît les grands écrivains doublés de grands observateurs. Editions Albin Michel
Dahlia noir & Rose Blanche - Joyce Carol Oates. Traduction de Christine Auché. Critiquer un livre de Joyce Carol Oates devrait représenter une catégorie à part entière. D’une part : comment est-il possible de dire quoi que ce soit d’intéressant sur la prose d’une des romancières les plus immenses (et prolifiques) encore en vie ? D’autre part, lire Joyce Carol Oates laisse dans un tel état émotionnel qu’il en devient difficile de faire la part des choses. Stylistiquement, peu d’écrivains possèdent ou ont possédé ce sens éblouissant de la description, de la psychologie et du talent pour appuyer là où ça fait très mal, ou très peur. On a parfois l’impression qu’elle ne ressent pas la moindre once de pitié pour ses personnages, mais qu’elle prend, en plus, un malin plaisir à écrabouiller son lecteur avec une plume aussi frappante qu’un crochet de Mike Tyson. Par exemple, elle ouvre ce recueil en revenant sur la tragique histoire de Betty Short, aka Le Dahlia Noir, avec un enchainement de détails macabres qui ont réussi à faire frémir des estomacs insensibilisés à l’horreur. Elle continue en racontant comment une petite fille est sortie de classe par la police pour tenter d’identifier un cadavre qui pourrait être celui de sa mère, situation des plus atroces et traumatisantes. Chez elle, chaque détail, chaque articulation psychique ou chronologique devient un élément à charge de plus, comme si les monstres sous le lit se multipliaient subrepticement. On ne peut pas lui échapper, pas plus que ses personnages, souvent un peu stupides ou lambda n’y arrivent. Toutes les issues sont sous contrôle, le lecteur ressentira ce qu’elle désire exactement qu’il ressente… L’humour acide qu’elle distille, teinté de langage parlé, entremêlé d’un classicisme redoutable délivre une prose d’une ampleur époustouflante. Certes, on ne sort par indemne de ces 10 nouvelles. Mais a-t-on vraiment envie de lire des choses qui nous laissent indemne ? Certes non ! Editions Philippe Rey (Simultanément est sorti le sublime "Sacrifice", chez le même éditeur).
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Les amateurs de Dahlia Noir pourront poursuivre leur lecture par la découverte du célèbre polar du master James Ellroy. Lecture, ou plutôt écoute, avec cette belle version, lue par Elodie Huber, une jeune comédienne à la voix rauque et feutrée. Editions Thélème