Excellence, cheval, Italie, les trois mots-clé de ce roman ado où règne une ambiance poisseuse, alourdie par les non-dits et l’abus.
Lettres, poésies, essai… Les genres cohabitent en toute harmonie dans cette sélection qui emmène, en toute liberté, ses lecteur·ice·s aux quatre coins du monde, hors des frontières et du temps.
La nuit t’arrache à moi. Nanténé Traoré. À travers les époques et les courants, la poésie s’est particulièrement prêtée à l’exploration des genres, des jeux, des déconstructions textuelles et stylistiques. Mieux encore : quel meilleur support existe-t-il pour exprimer ses contraires et ses contradictions, que la poésie ? Avec ce poème d’amour à contre-temps, à rebours, à contre-courant des conventions, Nanténé Traoré ne dissimule rien des obsessions, affres et paradoxes de l’amour. C’est toute la dimension de ce sentiment tant exploré, mais sans date de péremption, que l’artiste déploie dans ce poème qui court de page en page. Juste et beau, le texte porte, fait écho, inspire. Ce « je » qui parle n’est pas seulement un « je » d’amour, c’est aussi un « je » qui se cherche à travers l’autre, sans relâche, sans répit, sans faux-semblants. À retrouver sur Bookalicious : l’interview de Marie Marchal, fondatrice de la maison & l’interview croisée des auteur·ice·s publié·e·s en 2022. Editions Gorge Bleue
Araminta May. Carl Jonas Love Almqvist. Traduction du suédois par Eléna Balzamo. Le roman épistolaire n’est pas mort, loin s’en faut ! Enfin, disons que le bon goût et l’œil aiguisé de l’éditrice Marie Barbier ont permis à ce court texte du célèbre romancier suédois de parvenir jusqu’à nous. C’est l’histoire d’un jeune homme de bonne famille qui cherche à se marier, comme son amie d’enfance, Henriette, avec qui il va correspondre tout au long d’un séjour à la campagne destiné à le mettre sur le chemin de jeunes filles de bonnes familles. Sous les convenances et bienséances, les mots d’esprits s’échangent de lettre en lettre entre les deux amis et complices de déboires amoureux. Leur correspondance malicieuse, où Henriette fait preuve d’une autonomie et liberté de penser d’une modernité surprenante pour l’époque, plonge le lecteur dans les codes d’une société suédoise mal connue en France, jusqu’à une chute décalée et tendre. L’écriture d’Almqvist, caractérisée par une profonde finesse et un humour élégant, montre combien les classiques restent d’actualité (si jamais quelqu’un avait eu l’idée étrange de se poser la question). Editions Marie Barbier
Journal d’un bibliothécaire de survie. Charles Sagalane. Il reste encore des gens barrés dans le monde. Des poètes du quotidien. Des artistes de la vie. Bibliothécaire québécois et praticien du haïku, Charles Sagalane appartient à cette catégorie. Sur les rives du lac Saint-Jean, au Québec, il a une idée, un jour. Construire et disséminer des boites à livres de l’extrême au fin fond de la nature sauvage. Les construire, les alimenter, les entretenir, les renouveler. Et c’est ce projet génial qu’il décrit dans un livre hybride, entre nature writing, poésie, récit d’aventure, ode à la nature, naturalisme et célébration de la promenade émaillée de haïkus pas culculs. En raquettes, en canot, en voiture, à pieds, ce bibliothécaire pas tout à fait comme les autres célèbre la richesse intrinsèque de la littérature, du poète japonais Bashô aux écrivains dont il fait le portrait. C’est fou comme ce genre de livre parvient à redonner foi en l’espèce humaine tout en diffusant une sourde invitation à aller arpenter les rives de lac québécois à la recherche de livres, de silence, de lien à soi. Peut-être qu’il y aurait des idées à prendre, que l’on habite en Creuse ou à Marmande (même si c’est moins sexy que les grandes étendues nordiques, j’en sais quelque chose). Editions La Peuplade
La révolution au cœur. Christian Olivier. « Concert d’images » dit la 4e de couverture. C’est exactement ça. Poésies visuelle et textuelle s’associent dans ce livre objet à la croisée des univers. Politique, poétique, graphique, romanesque, historique. C’est presque un « meta-livre », un livre sur un livre, quelque part. Ou un conte qui raconte comment un livre oublié dans un cinéma va diffuser son contenu, contaminer les esprits et finir par générer une révolution, au point de se retrouver derrière les barreaux. Oui, le livre. Lui et Elle, deux personnages unis par la magie d’un sortilège, vont s’associer pour le sauver (toujours le livre). Etrangement, les personnages que l’on croise, dont on croise les mots, surtout, portent des initiales de poètes russes, sur lesquels travaillait André Markovicz, le célèbre génial traducteur du russe, préfacier et parrain du livre monde, livre recueil, livre vivant qui célèbre la liberté. Donc le courage de ces poètes armés de leurs idées, de leurs rêves bientôt pulvérisés, de leurs mots si précieux qui brilleront toujours contre toutes les formes d’obscurantisme. Editions Le Nouvel Attila