Excellence, cheval, Italie, les trois mots-clé de ce roman ado où règne une ambiance poisseuse, alourdie par les non-dits et l’abus.
Encore, toujours, et toujours : nous aimons les nouvelles, bonnes, de préférences. Pour cette readlist éclectique, petit tour en France avant de partir en Suède et en Argentine. Avec pour fil conducteur un fantastique inquiétant et parfois dérangeant. Qu’il soit assumé ou tapi, l’étrangeté guette, prête à sortir de l’ombre et happer le lecteur dans des filets délicieusement obscurs.
La Reine en Jaune - Anders Fager
Traduction de Carine Bruy. Bienvenue dans un univers à la fois destroy et inquiétant, monstrueux et drôle, terrifiant et absurde. Le suédois Anders Fager n’y va pas pas quatre chemin pour jeter son lecteur la tête la première dans le malaise, usant parfaitement des codes du genre qu’il mixe à une sauce pop et trash bien personnelle. En 10 textes, secs et claquants comme la glaçante bise nordique, Anders Fager décrit un quotidien déformé, vrillé par une folie planante et une monstruosité rampante. Entre les pensionnaires d’un hospice qui s’adonnent à des rituels ancestraux, des créatures qui attaquent des bateaux, ou une performeuse aux notions artistiques très personnelles, les forces maléfiques surgissent, sans pitié, sans merci, sans préavis. Et ne laissent derrière elles que des traces sanglantes… Anders Fager joue sur les ambiances avec une maîtrise du récit presque cinématographique, et s’amuse à pointer une horreur qui n’est pas forcément là où on le croit, et la peinture de la société qui se dégage de ce brouhaha n’est pas toujours très reluisante… Editions Mirobole
Celles qui viennent avec la Nuit - Jacques Abeille
Hommage au plus pur et au plus classique des fantastiques dans ces onze nouvelles où la Femme occupe une place centrale ! Incernable, multiple, séduisante et parfois dangereuse, elle s’extrait des ténèbres pour venir bouleverser la banalité qui englue leurs victimes, souvent consentantes, ravies d’enfin pouvoir s’échapper. Quel que soit le prix à payer. Femme-chèvre, auberge hantée, succube mystérieuse, femme recluse dans une grotte, disparitions inexpliquées, fantasmes qui emportent dans la mort… le thématiques rappellent Gauthier, Poe, parfois, par leur finesse et leur douce cruauté, et s’en démarquent par un onirisme et un érotisme subtils emprunts de surréalisme et d’humour. Presque anachronique, en ce sens, l’écriture ciselée de Jacques Abeille dessine un paysage unique où les femmes déploient une puissance magique particulière, comme si elles constituaient une force mystique et mystérieuse en elles-mêmes. On perd doucement pied, main dans la main avec les personnages, et réalise le point auquel parfois, la réalité tient à peu de choses. Editions In8
Ce que nous avons perdu dans le feu - Mariana Enriquez
Traduction d’Anne Plantagenet. Qui sont les monstres ? Où sont-ils ? Tapis dans l’ombre ou en nous ? L’horreur est-elle due à des forces surnaturelles ou bien humaines ? On aimerait presque, par moments, que ces 12 histoires basculent dans un véritable fantastique. C’est toujours plus facile d’accuser une créature maléfique que de constater l’étendue de la monstruosité humaine. Disparitions, obsessions, mutilations, violences, secrets, angoisses… les textes de l’argentine Mariana Enriquez confrontent leurs personnages à des démons intérieurs qui finissent par les rattraper et les dévorer. L’auteur, qui oscille entre humour et noirceur, entre superstition et misère sociale, décrit une Argentine violente, brutale, et souvent perdue. Son écriture sobre, faussement simple, traversée par un humour cynique, s’approcherait presque, dans certaines nouvelles, du journalisme. Où placer la focalisation, pour nous lecteur ? Le curseur de la réalité, pour ne pas glisser à notre tour dans ces sables mouvants ? A vous de voir… Editions du sous-sol