Excellence, cheval, Italie, les trois mots-clé de ce roman ado où règne une ambiance poisseuse, alourdie par les non-dits et l’abus.
ça faisait longtemps qu’un livre n’avait pas autant divisé les lecteurs, les avis, la presse. Play Boy, de l’avocate et romancière Constance Debré, on aime ou ou déteste et on le fait savoir.
A été reproché à cette « fille de » un certain mépris de classe, une provocation appuyée, une brutalité dans son expression et un si soudain changement d’orientation sexuelle. Car, comme son nom amène à le supposer, Play Boy raconte comment une avocate mariée et mère d’un garçon, met les voiles vers les relations saphiques. Exit la chevelure ondulante et bouclée, place à quelques cheveux à la garçonne et aux tatouages visibles. Et alors ? Il est étonnant de constater qu’encore il faudrait aborder des postures bienséantes en matière de littérature et de regard sur la société : si tu es d’une famille aisée, tu n’as pas vraiment le droit de râler sur ta vie. Et si tu découvres, passée la trentaine, que tu aimes les filles plutôt que les garçons, tu es une faiseuse. Il est bien connu que la violence relationnelle ne fait pas partie des milieux bourgeois, pas plus que la maltraitance. Non, bien sûr. Mais passons. Bien connu aussi que les choix d’objets sont enregistrés et programmés dès la naissance. Pourquoi pas génétiques, tant qu’on y est ? Bref, Constance Debré raconte une trajectoire, une tranche de vie, très largement inspirée de son histoire. Elle a le bon sens de ne pas tomber dans l’imbuvable romance lesbienne à un kopeck où tout est merveilleux dans la découverte des femmes. Non, ici, bienvenue dans la réalité des relations, dans les compromis et les jeux de pouvoirs, sans évacuer le désir ni le vertige. Bienvenue aussi dans un univers familial mortifère et violent où la singularité s’arrache. Bienvenue dans la vraie vie, menée par une juriste qui n’a pas l’air d’avoir facilement froid aux yeux. Cash et brutale, Constance Debré l’est. Son style tape, haletant, enlevé, rythmé comme une course. Jamais gratuite dans son propos, jamais dans la facilité, elle rappelle un Guillaume Dustan à sa meilleure époque, par cette formidable et arrogante insouciance qu’envient les jaloux. Par cette lucidité cynique qui ne laisse aucune place à la posture et aux faux-semblants. L’avocate ne cherche à défendre aucune cause, aucun parti pris. Elle raconte. Et en racontant, elle donne beaucoup à voir sur notre société. Bref, voilà comment on fait savoir qu’on aime un livre et son propos.