Parfois, une interview se transforme. Comme une vague, elle prend une forme inattendue et se déroule dans toute sa subtilité. Parti d’un livre, « Teahupo’o le souffle de la vague », roman noir qui a pour personnage principal la vague la plus dangereuse du monde, l'échange est devenu plongée dans un univers.
Littéraire, graphique et ludique, cette maison d’édition accorde une place primordiale au mouvement. Placée sous le signe typographique (l’esperluète c’est le « & ») de la rencontre, cette maison indépendante belge déploie des collections littéraires, graphiques, ludiques, ou un peu tout ça à la fois dans une chorégraphie textuelle. Anne Leloup, fondatrice de la maison, développe sa vision du livre du comme espace de création.
Je suis éditrice parce que... j’aime les rencontres.
Comment êtes-vous devenu éditrice ?
Au départ, je suis plasticienne (je pratique la peinture et la lithographie) et j’ai fait des études de graphisme tout en étant également passionnée par les littératures tant francophones qu’étrangères. C’est en combinant ces différentes passions que je suis devenue éditrice.
« Esperluète » pourquoi ce nom pour votre maison ? Que représente pour vous ce signe typographique ?
Une esperluète est un signe typographie, celui du &. C’est le signe de la rencontre et du lien. Au-delà de la beauté graphique de celui-ci, j’y trouve plusieurs sens. C’est la rencontre entre les écrivains et les plasticiens que j’édite. Chaque livre, ou presque, associe textes et images. C’est aussi la rencontre entre le livre et son lecteur. Un aspect auquel j’apporte beaucoup d’importance en éditant des livres fabriqués avec soin à petits prix ; pour que chacun.e puisse se les approprier. Mais aussi en multipliant les occasions de faire vivre les livres pour qu’ils atteignent leur public.
Vous mélangez les genres, les domaines, les espaces créatif au sein de vos collections. Pourquoi ce choix éclectique et pluriel ?
Parce que le livre est un espace de création, alors pourquoi se contraindre ? se limiter ?
A travers un catalogue, l’éditeur trouve la possibilité de créer un corpus, une œuvre, qui sera forcément le reflet de sa pensée, de ses intérêts, de son imaginaire… les miens me poussent vers les limites, les marges, l’aspect transversal des choses. C’est sans doute pour cela que le catalogue d’Esperluète n’est pas figé ; et je peux concevoir que ce n’est sans doute pas facile à appréhender dans un monde où les choses se rétrécissent, demandent de l’ordre ou du classement. Je n’ai pas vraiment envie de ce monde-là… Je pense que l’on a toujours plus à gagner à garder les questions ouvertes. J’essaie d’injecter cela dans notre catalogue…
Vous proposez également des titres pour la jeunesse, comment les choisissez-vous ?
Pour les mêmes raisons et pour la possibilité qu’ils offrent de se lire à tous âges, à créer du croisement, du lien, de la réflexion…
Quelles sont les démarches éditoriales et les artistes qui vous inspirent ?
La liste risque d’être longue… j’aime… les recherches des années 20, 30 sur la lettre et la typographie, les créations du Bauhaus, les livres de Munari, les dessins de Sophie Taeuber-Arp, les dessins d’Ellsworth Kelly, les textes de Charles Juliet, les lithographies de Bram van Velde, l’engagement de Maspero, la force de Toni Morrisson, les livres de Tériade, l’écriture de Marie Gevers,…
Mais j’aime aussi les échanges avec mes contemporains ; je pense entre autres aux éditeurs rencontrés grâce au Marché du Livre de Mariemont ou à mes collègues des Éditeurs associés.
Ce sont ces échanges-là qui permettent de mettre du collectif dans le métier.
Qu’est-ce qui vous plait le plus dans ce métier ?
L’odeur de l’encre…