Excellence, cheval, Italie, les trois mots-clé de ce roman ado où règne une ambiance poisseuse, alourdie par les non-dits et l’abus.
Il y a des textes qui frappent fort, très fort, sans que l’on s’y attende. Des textes qui bouleversent, qui viennent remuer des émotions et des sensations enfouies loin dans les recoins de notre cerveau. C’est le cas de ce premier roman, publié par les éditions Bleu & Jaune : « La Rivière », par l’actrice lettone Laura Vinogradova. Lauréate de l’EUPL (Prix de Littérature de l’Union Européenne) en 2021, cette autrice qui commencé à écrire à la trentaine, alterne romans ou nouvelles pour adultes et littérature jeunesse. Avec « La Rivière », elle livre le portrait d’une femme tout en fragilité et fêlures, paradoxes et zones d’ombre. Court, ce roman déploie sa puissance littéraire et émotionnelle bien au-delà de son apparente simplicité stylistique.
« La Rivière » est votre premier roman, qu’est-ce qui vous a inspiré ses personnages en clair-obscur ?
« La Rivière » est mon cinquième livre, et c’est celui dans lequel j’ai enfin osé aborder un thème qui m’a conduit vers l’écriture : la perte. J’ai perdu mon frère de manière tragique et inattendue, et pour accepter cela, je lui écrivais des lettres adressées au ciel. Avant cela, je n’avais jamais rien écrit, je lisais beaucoup, mais c’est tout. J’ai très vite compris comment transformer cette expérience en fiction, et c’est ainsi que tout a commencé. « La Rivière » est écrite en hommage à mon frère. Un personnage intéressant du roman est Christophe, le seul « vrai » personnage de l’histoire. Il est inspiré d’un camarade de promotion de mon frère que j’ai rencontré par hasard dans la rue. Cela faisait presque dix ans que nous ne nous étions pas vus. J’ai appris qu’il travaillait sur de grands bateaux de pêche en mer, et cela m’a intriguée. Dans mon monde, où tout le monde semble travailler sur des ordinateurs, il me paraissait fascinant que quelqu’un ait choisi un travail aussi physiquement exigeant. J’ai donc intégré Christophe dans mon livre, avec sa permission, bien sûr.
Vous avez commencé par écrire des livres pour enfants et des nouvelles, qu’est-ce qui vous a amenée à l’écriture d’un roman ?
Je m’ennuie vite à écrire de la même façon, alors je varie : des livres pour enfants, des nouvelles, un roman, de la poésie. J’écris aussi des paroles de chansons et quelques scénarios. J’ai besoin que l’écriture ne passionne pas seulement le lecteur, mais moi aussi. Pour que j’apprenne et évolue.
Vous écrivez dans une langue épurée, volontairement simple. Pourquoi ce choix stylistique ?
Les Nordiques s’expriment souvent de façon simple et directe ; c’est peut-être dans nos gènes. J’aime écrire comme je parle. Je veux que chaque mot du texte soit le mien, un mot que j’utilise dans la vie de tous les jours. Mais c’est peut-être aussi la façon dont je pense : des pensées brèves, interrogatives, comme soufflées par le vent.
Qu’est-ce qui vous plaît dans l’écriture pour enfants et les nouvelles ? Travaillez-vous différemment selon le genre que vous écrivez ?
Je pense que je travaille de façon similaire, même si je varie le choix du genre et de la forme. Dans tous mes travaux, les émotions sont très présentes. Il est important pour moi que mes livres soient émouvants, que le lecteur ressente pleinement. J’écris pour les enfants parce que j’ai un fils. Maintenant qu’il grandit, l’écriture pour enfants me passionne un peu moins. C’est aussi simple que cela.
Quels sont les auteurs et courants littéraires qui vous inspirent ?
Je suis inspirée par des auteurs qui choisissent des thèmes audacieux, comme l’écrivaine française Delphine de Vigan. J’aime aussi les écrivains scandinaves pour le flot de leur langage. Je lis beaucoup de poésie, et c’est peut-être pour cela que mes textes ont souvent une tonalité poétique.
Vous avez remporté l’EUPL (le Prix de Littérature de l’Union Européenne), que vous a apporté ce prix en termes de visibilité, de rencontres et d’opportunités ?
L’EUPL est, pour moi, un pont qui relie la Lettonie aux autres pays. Je ne pense pas que cela aurait été possible sans ce prix. J’ai déjà visité plusieurs pays, alors qu’avant les traductions de mes livres, je voyageais moins pour des raisons financières. Cette expérience internationale (car « La Rivière » est également traduite aux États-Unis, où j’ai séjourné dans une Maison des écrivains pour travailler avec le traducteur) m’a apporté une bien plus grande confiance en moi en tant qu'autrice. En tant que personne aussi, et j’en suis profondément reconnaissante. Toute cette expérience fait de moi ce que je suis aujourd’hui.
L'interview s'est faite, grâce à quelques outils de traduction, en letton. Pour visualiser la langue d'origine, nous avons choisi de retranscrire l'interview dans sa langue d'origine.
« Upe » ir jūsu pirmais romāns, kas jūs iedvesmoja to rakstīt un veidot šos neparastos tēlus?
“Upe” ir mana piektā grāmata un tajā es beidzot uzdrošinājos rakstīt par tēmu, kas mani vispār pievērsa rakstniecībai un tas ir zaudējums. Es ļoti traģiski un negaidīti zaudēju brāli, lai to pieņemtu, es rakstīju viņam vēstules uz debesīm. Pirms tam vispār neko nebiju rakstījusi, vien daudz lasīju. Ļoti ātri sapratu kā piedzīvoto pārvērst daiļliteratūrā un tā tas aizgāja. “Upe” ir rakstīta brāļa piemiņai. Romāna interesants tēls ir Kristofs, kas ir vienīgais “īstais” cilvēks grāmatā. Tas ir mana brāļa kursa biedrs, ko nejauši satiku uz ielas. Gandrīz 10 gadus nebijām redzējušies. Uzzināju, ak viņš strādā uz lielajiem zvejas kuģiem jūrā un ieinteresējos par to. Man šķita aizraujoši, ka manā pasaulē, kurā visi šķietami strādā ar datoriem, tomēr kāds vēl izvēlas fiziski smagu darbu. Tā nu Kristofu ierakstīju savā grāmatā. Ar viņa atļauju, protams.
Jūs sākāt ar bērnu grāmatām un stāstiem, kas jūs pamudināja uz romāna rakstīšanu?
Man ir ļoti garlaicīgi rakstīt vienādi, tāpēc spēlējos – te bērniem, te stāsti, romāns un dzeja. Rakstu arī tekstus dziesmām, mazliet scenārijus. Man vajag, lai rakstīšana aizrauj ne tikai lasītāju, bet arī mani. Lai es mācos un augu.
Jūs rakstāt tīrā un vienkāršā valodā. Kāpēc šī stilistiskā izvēle?
Ziemeļnieki nereti runā tīri un vienkārši, varbūt tas gēnos. Man patīk rakstīt tā, kā runāju. Lai tekstā visi vārdi ir mani, lai visi vārdi ir ikdienā lietoti. Bet varbūt es tā domāju. Varbūt manas domas ir aprautas, jautājošas. Tādas vēja appūstas.
Kas jūs piesaista bērnu literatūras un stāstu rakstīšanā? Vai strādājat atšķirīgi atkarībā no žanra, kuru rakstāt?
Domāju, ka strādāju līdzīgi, spēlējos tikai žanru un formas izvēlē. Visos manos darbos ir ļoti klātesošas emocijas. Man ir svarīgi, lai grāmats ir jūtošas, lai lasītājs līdzpārdzīvo. Bērniem rakstu, jo man aug dēls. Tagad, kad viņš pieaug, bērnu literatūras rakstīšana mani aizrauj mazāk. Tik vienkārši.
Kādi autori un literārie virzieni jūs iedvesmo?
Mani iedvesmo autori, kas drosmīgi izvēlas tēmas. Piemēram, franču rakstniece Delfīne de Vigāna. Tāpat man mīļi ir skandināvu rakstnieki sava valodas plūduma dēļ. Es daudz lasu dzeju, varbūt tāpēc maniem tekstiem nereti ir poētiska noskaņa.
Jūs esat ieguvuši EUPL (Eiropas Savienības Literatūras balvu), ko jums šī balva devusi attiecībā uz redzamību, tikšanām un iespējām?
EUPL noteikti manā gadījumā ir tilts, kas man Latviju savieno ar citām valstīm. Nedomāju, ka bez šīs balvas man tas būtu izdevies. Esmu jau viesojusies vairākās valstīs, pirms grāmatu tulkojumiem tik daudz neceļoju finansiālu iespēju dēļ. Šī pasaules pieredze (jo “Upe” tiek tulkota arī ASV un esmu viesojusies tur Rakstnieku mājā, lai strādātu kopā ar tulku) man kā rakstniecei ir devusi daudz lielāku pašapziņu. Arī kā cilvēkam, tāpēc esmu par to ļoti pateicīga. Šī visa ir pieredze, kas mani veido.