[INTERVIEW] Les auteur·ice·s publié·e·s en 2022 par les éditions Gorge Bleue

Florence Andoka (FA), Madeleine Roy (MR), et Nanténé Traoré (NT) sont au programme des éditions Gorge Bleue pour l'année 2022. Trois artistes, trois univers.

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[INTERVIEW] Les auteur·ice·s publié·e·s en 2022 par les éditions Gorge Bleue

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16/12/2021
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Florence Andoka (FA), Madeleine Roy (MR), et Nanténé Traoré (NT) sont au programme des éditions Gorge Bleue pour l'année 2022. Trois artistes, trois univers, non-fiction, roman et poésie, trois livres sublimés par les illustrations colorées qui signent la personnalité visuelle de la maison, disponibles en préventes. Trois personnalités qui livrent leur lien à Gorge Bleue et à la création. Pour prolonger cet entretien, retrouvez celui avec Marie Marchal, fondatrice des éditions, qui explique le positionnement de la maison et son engagement.

Qu’est-ce qui t’a attiré·e chez Gorge Bleue ?

FA : Un ami m’avait offert Vulves d’Alexia Tamécylia publié chez Gorges Bleue lors de sa création, il y a trois ans. Je savais par des connaissances communes que Gorge bleue était dirigée par Marie Marchal et j’ai eu envie de lui adresser Dans ton tube, en me disant qu’étant de la même génération, son regard serait peut-être proche du mien au sujet de Youtube et des influenceuses. 

MR : C'est Marie Marchal elle-même qui m'a attiré·e chez Gorge bleue : on se connaissait depuis l'adolescence et la vie nous avait déjà plusieurs fois éloigné·es et rapproché·es, quand au beau milieu d'une après-midi de novembre 2017 elle m'a demandé où en était "ce projet de roman sur lequel [je] travaillais". Ledit projet en était nulle part, mais j'écrivais alors ce qui allait devenir Les Tombes et Marie m'a demandé si elle pouvait y jeter un œil.

NT : Gorge Bleue est une petite maison crée et gérée par une éditrice engagée, qui publie des oeuvres originales et surtout qui a à coeur de travailler éthiquement avec toutes les personnes qui participent au rayonnement du livre publié. Pour un.e jeune auteur.ice, c’est une maison cocon, qui permet de travailler en se sentant compris et écouté, accompagné du début jusqu’à la fin de l’aventure éditoriale. C’est vraiment le côté « humain » qui m’a attiré dans cette maison, mais aussi la personnalité très solaire et douce de Marie, ainsi que sa ligne éditoriale, qui est très franche et ne ressemble pas aux autres maisons d’édition.

Comment ça se passe, quand on est édité·e dans cette maison ?

FA : J’ai envoyé mon texte et nous nous sommes rencontrées avec Marie. C’était la période des restrictions liées au Covid, Marie est venue à la maison et nous avons vraiment pris le temps de discuter. Quand Marie a décidé de publier Dans ton tube, il y a eu l’étape des relectures, réécritures et propositions de mises en pages. A chaque étape Marie est particulièrement prévenante et bienveillante, elle accompagne la finalisation sans rien imposer. Tout est transparent dans sa manière de procéder, l’auteur.ice est au courant de tout, le planning, la communication, tout est discuté avec douceur. Moi qui suis assez timide sur la communication et qui ai beaucoup de mal à aller à la rencontre des gens, notamment pour des raisons physiques. Je ne me suis sentie forcée à rien. Marie envoie un contrat et rémunère ses auteur.ice.s, ce qui à mon sens, n’est pas si courant dans le secteur culturel. 

MR : Écrire chez Gorge bleue est synonyme d'une grande liberté. Après avoir fini d'écrire mon premier roman, j'appréhendais beaucoup la confrontation au monde de l'édition : dans sa forme comme dans son fond, Les Tombes avait tendance à déranger et j'avais peur qu'on me demande en retour d'en arrondir les angles. Avec Gorge bleue, j'ai trouvé une maison d'édition qui respecte les convictions des auteur·ices et ne rechigne pas à les mettre en avant.

NT : On est vraiment accompagné.e.s dès le début, Marie donne de son temps et de son énergie pour que l’objet publié soit exactement ce que l’on a en tête. On a passé de nombreuses heures sur la mise en page de « La nuit t’arrache à moi », à échanger des idées, et à parler autour du texte afin que toustes les deux nous soyons sur la même longueur d’ondes. Marie est également très transparente sur sa manière de travailler et donne des nouvelles claires sur l’organisation de la promo et de la publication très régulièrement - ce qui permet de se sentir vraiment en confiance, pour ma part. Chez Gorge Bleue, je crois que ce qui m’a vraiment paru singulier, c’est que Marie choisit ses livres à défendre en faisant des diagrammes de Venn : en s’assurant que ses trois livres aient des liens, des connexions, elle permet aux livres de dialoguer différemment, et de se nourrir tout au long de la vie de l’oeuvre. J’ai trouvé ça très intelligent et ça m’a beaucoup parlé.

Que penses-tu, en tant qu’auteur·ice, du système de préventes, de ce changement de fonctionnement au sein d’un écausystème du livre un peu ankylosé ?

FA : Ça permet de solliciter notre entourage pour soutenir Gorge bleue à une plus grande échelle que lors des ventes en librairie, une fois que le livre est sorti. 

MR : En tant qu'auteur·ice, je ne suis pas la personne la mieux placée pour parler de tout ce qui touche au "marché du livre" : mon travail s'arrête au moment où celui de Marie commence. Je suis de cette génération qui a pris un tournant avec Internet ; comme tout le monde, mon premier réflexe est de prendre mon téléphone quand j'ai besoin de quelque chose : commander un livre directement depuis le site de sa maison d'édition, avant sa sortie en librairie, ne me questionne pas. Et si ça permet en plus **de redistribuer les cartes en termes de visibilité, c'est plutôt intéressant.

NT : Je trouve ça extrêmement bénéfique, autant pour l’éditeur.ice que pour l’auteur.ice. Le système des préventes permet de rémunérer toutes les personnes de la chaine du livre (autant l’auteur.ice que les imprimeurs, les diffuseurs, et l’illustrateur.ice qui travaille avec la maison), mais aussi de faire parler du livre avant sa sortie en librairie. Ce système crée donc une envie auprès des lecteur.ices, mais permet aussi de sortir de la temporalité un peu datée sortie - promo - mort du livre, qui n’a plus beaucoup d’intérêt aujourd’hui, ni pour l’auteur.ice, ni pour la maison qui porte l’ouvrage.

Quels sont tes projets, tes envies textuelles à venir ?

FA : J’ai repris mes études et poursuis une thèse en écriture créative. C’est un format qui allie recherche et création, donc théorie et invention. J’avais envie d’écrire dans un nouveau cadre avec d’autres retours, d’autres regards. Me remettre à la théorie est aussi un désir que j’avais depuis un moment sans trouver l’occasion de le faire de moi-même. Je travaille sur des trajectoires de femmes artistes, et notamment Alice Neel, portraitiste américaine dont j’avais découvert l’œuvre il y a plusieurs années lors d’une exposition à la Fondation Van Gogh à Arles. C’était la première et la seule fois que j’ai mis les pieds aux Rencontres de la photo, j’ai encore quelques souvenirs d’expositions photo mais c’est cette peinture qui m’avait marquée plus fortement que le reste, l’aptitude d’Alice Neel à peindre la peau en particulier. 

MR : J'ai eu le privilège de ne pas être affecté·e de trop près par la crise sanitaire en 2021, ce qui me permet de commencer 2022 avec un nouveau roman dont la sortie en librairie se fera en janvier, et une nouvelle série photo qui me passionne. Ma liste de projets "en cours" ou "à venir" ne cesse de s'allonger et les journées quant à elles stagnent à vingt-quatre heures, mais tant que j'aurai la chance de pouvoir écrire tous les jours, je serai heureux·se. Plus concrètement, en 2022 j'aimerais travailler à la confection d'un recueil de textes (une idée qui me trotte en tête depuis plus de cinq ans), mais j'ai aussi envie d'écrire une nouvelle histoire (dont les premières bribes me sont venues à la fin de l'été) et, pour la première fois, j'ai aussi pour projet de mêler mes écrits à mon travail photographique. Un planning bien chargé, donc.

NT : Mon travail de photographe me prend beaucoup de temps, et c’est en majorité ce qui occupe mes prochains mois. Mais je continue de collaborer avec des revues littéraires et des magazines artistiques, lorsque l’occasion se présente, et de participer à des recueils collectifs divers. J’écris une auto-fiction depuis quelques mois, qui occupe pas mal de mon temps d’écriture disponible, et je garde dans un coin de mes manuscrits la suite de « La nuit t’arrache à moi », que j’écris par petits bouts… mais qui devrait vite voir le jour.

Nanténé Traoré
Madeleine Roy
Florence Andoka

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