Parfois, une interview se transforme. Comme une vague, elle prend une forme inattendue et se déroule dans toute sa subtilité. Parti d’un livre, « Teahupo’o le souffle de la vague », roman noir qui a pour personnage principal la vague la plus dangereuse du monde, l'échange est devenu plongée dans un univers.
Entamé avec la rencontre de la Loutre Rôliste, le cycle d’interviews autour du jeu de rôle se poursuit aujourd’hui avec un éditeur spécialisé dans le jeu de rôle solo : les Fondations de l’Imaginaire, porté par Jérôme Mioso. Au programme, des livres à des prix accessibles, pratiques à transporter, rapides à lire et comprendre, et encore plus à prendre en main. Selon votre choix de livre et d’univers, vous pourrez incarner un corbeau, un marin, un chef cuisinier à Chicago, un renard ou un blaireau, un samouraï… et ça n’est que le début ! Bientôt, vous pourrez jouer un chat, ou bien un démon pas très subtil. Grâce au jeu de rôle, les histoires dépassent la lecture : elles s’écrivent et se vivent en temps réel.
Je suis Editeur parce que...trop de gens ont peur de monter la première marche du Jeu de Rôle.
Comment êtes vous devenu éditeur ?
Les Fondations de l’Imaginaire est un label pour regrouper sous une même bannière des produits issus du monde souvent appelé ‘indé’. Ce qui a commencé comme un passe-temps avec Ronin de Tiago Junges s’est transformé au fil des mois en une gamme de jeux différents, dont une des philosophies est qu’ils soient faciles à pitcher et à vendre pour les magasins et à prendre en main pour le public.
Ce label est distribué par Neoludis, qui a ouvert ses portes en 2021, et qui s’adresse aux professionnels.
Comment avez-vous défini la ligne éditoriale de votre maison ? Allez-vous publier uniquement du jeu, ou avez-vous envie de publier également de la littérature ?
Nous allons rester sur le ludique, simplement parce que c’est notre ADN. La ligne éditoriale est d’offrir aux magasins et donc à leurs clients du jeu de rôle simple à appréhender, aux règles faciles et surtout à prix bas. Nous discutons tous les jours avec les ludicaires et nous savons qu’ils ont besoin de ce type de produits pour pouvoir ouvrir le rayon JdR au plus grand nombre.
Nous souhaitons une gamme variée et riche, avec des jeux aux thématiques différentes, afin qu’il y en ait pour tous les goûts.
Pourquoi avez-vous appelé votre maison ainsi ?
Nous adorons Asimov, nous adorons l’imaginaire. Mettez cela dans un shaker et cela donne les Fondations de l’imaginaire. Nous voulions véhiculer l’idée que ces jeux étaient une première pierre à quelque chose de bien plus grand : le monde de l’imaginaire et du jeu de rôle en particulier. Les pyramides se construisaient par le bas, jamais par le haut. C’est dans cette philosophie que nous avons choisi ce nom.
Vous publiez principalement du jeu de rôle solo, pourquoi ce choix ? Ce segment est-il moins populaire que le JDR « classique » ?
De la même manière que l’idée de ces produits a germé au fil de nos échanges avec les magasins, il faut être très lucide : de nombreuses personnes n’ont même pas le luxe de commencer avec une boîte d’initiation. Il faut être nombreux, il faut un timing qui convient à tous…
Et ces personnes qui passent la porte d’un magasin aimeraient s’y mettre mais les contraintes sont trop élevées. J’ajoute que de nombreuses personnes vont en boutique pour du jeu de société et regardent le rayon de JdR avec curiosité, quand ce n’est pas de l’appréhension.
Le jeu solo est un moyen de s’évader facilement, et surtout à son rythme. Et quand vous avez un petit bouquin à 10€ en A5 imprimé en papier recyclé, vous désacralisez également l’activité. Un ado qui veut se lancer n’a pas peur de dépenser cette somme, et il en est de même pour la personne qui a un boulot mais plus le temps, parce que sa vie l’impose. C’est plug and play comme on dit dans le monde du jeu vidéo.
Enfin « solo » ne veut pas uniquement dire solo. La configuration la plus jouée en jeu de société est à 2 joueurs et c’est pourquoi il en existe tant sans que ce soit une contrainte pour le marché ! Qui dit 2 dit souvent proximité possible et dit la possibilité d’appréhender le loisir du solo en duo. De la même manière qu’on fait un mot fléché en demandant de l’aide à la personne dans la pièce ou que l’on demande à son conjoint qui nous regarde galérer sur un boss de jeu vidéo de nous aider à le vaincre etc.
Comment choisissez-vous les titres à éditer, qu’il s’agisse de traduction ou de création ?
C’est un mix de coups de cœur et de pragmatisme. J’essaie de me projeter sur les thèmes que nous n’avons pas couverts, mais aussi sur la faisabilité du projet. Mes meilleurs atouts sont mes collègues qui pour la très grande majorité ne sont pas du tout des rolistes. Si le jeu leur plait, alors j’avance. C’est essentiel pour éviter de finir tout seul dans sa bulle cognitive et faire des choses qui n’ont aucun sens quand elles sont confrontées à la réalité.
Comment se passe l’équilibre entre production et écologie ?
Je n’ai pas les détails techniques du process. Quand j’ai discuté avec l’imprimeur à côté de chez moi à Pornic en Loire Atlantique, je leur ai demandé de faire le plus ‘écologique’ possible. Je n’y connaissais rien, j’ai passé la porte avec une clé USB et le PDF de Ronin. La gérante a été extra, elle a pris le temps de m’accueillir et m’expliquer pour qu’un béotien comme moi comprenne. Et depuis nous sommes absolument ravis de travailler avec eux. Ils sont force de proposition, aident sur des aspects techniques de l’imprimerie. Ils ont les labels de l’industrie pour des produits respectueux et made in France. Et si quelque chose n’est pas clair, je prends la voiture et on se voit. C’est fluide et humain
Quelles sont les publications à venir ? Pouvez-vous nous révéler quelques pistes ?
Nos prochaines sorties sont Mélodie pour un Meurtre de Cezar Capacle et D666 de Tim Roberts qui a fait La voie du corbeau. Je peux également vous confirmer que nous ferons La voie du Chat. Pour le reste, une chose à la fois car le planning peut changer et cela n’aurait pas de sens de parler de titres qui ne sortiront que dans un an.