Excellence, cheval, Italie, les trois mots-clé de ce roman ado où règne une ambiance poisseuse, alourdie par les non-dits et l’abus.
Ariane Lefauconnier a la poésie chevillée au corps. Responsable de la communication chez les très belles éditions Bruno Doucey, elle est également, avec Flora Monnin, derrière les éditions 10 Pages au Carré, "incubateur de création poétique". Au programme, des petits livres carrés de 10 pages (vous suivez le concept ?), qui valorisent la poésie écrite par de jeunes poète·sse·s. Rencontre avec une éditrice engagée.
"Je suis éditrice parce que... c’est une façon de donner un écho aux voix qui me touchent."
Comment êtes-vous devenue éditrice ?
J’ai su assez tôt que je voulais faire ce métier, lorsque j’étais au lycée. Après des études en Métiers du Livre (DUT Info-Com à Tourcoing, puis Licence et Master d’édition à Paris), j’ai commencé à travailler aux Éditions Bruno Doucey. C’est en travaillant au sein de cette maison d’édition que j’ai été convaincue que c’était ce à quoi je voulais consacrer mon temps.
En 2020, lors du confinement, j’ai eu envie de développer ma propre maison d’édition, avec un projet qui soit complémentaire de ce qui existait déjà dans le secteur de l’édition de poésie. C’est à ce moment-là qu’a été créée 10 pages au carré.
Comment avez-vous défini le concept éditorial et graphique de votre maison ?
Pour le concept éditorial, il est venu assez rapidement : j’avais envie de faire découvrir des jeunes voix de la poésie auprès d’un large public. J’ai aussitôt imaginé des petits livres, qui ne seraient pas « impressionnants » – la poésie fait parfois un peu peur… – et qui seraient accessibles à toutes les bourses. Afin que les lecteurs et lectrices puissent réellement s’immerger dans un univers poétique, il m’a semblé intéressant de proposer, dans chaque livre, un seul texte : un long poème narratif de 10 pages.
C’est lors de mes premiers échanges avec Flora Monnin, avec qui j’ai co-fondé la maison d’édition, que le projet graphique s’est précisé. C’est elle qui a développé cette charte, orientée autour d’un format carré, de dégradés de couleur et d’un jeu typographique que l’on retrouve sur chaque titre.
Comment choisissez-vous vos auteur·ice·s ? Qu’est-ce qui est propre à l’édition de poésie ?
Pour trouver les poètes avec qui nous collaborons, nous fonctionnons avec des appels à textes. Nous proposons aux auteurs et autrices qui souhaitent nous faire découvrir leur univers de nous envoyez une dizaine de poèmes. En effet, notre format spécifique nous oblige à travailler sur du texte de commande : c’est donc nous qui prenons ensuite contact avec les poètes dont nous avons particulièrement apprécié le travail, pour leur proposer une collaboration. C’est un fonctionnement très particulier puisque notre charte éditoriale exige le choix d’une thématique et la nécessité de faire « tenir » le texte poétique sur 10 pages, en faisant attention à ce qu’il y ait du rythme, de la surprise, de la singularité aussi… Chaque texte fait l’objet de nombreux allers-retours avec le poète, et c’est ce qui rend ce projet si passionnant : on est confrontées à la matière vive du poème, sans cesse en mouvement, jusqu’au dernier moment avec l’envoi à l’impression !
Vos auteur·rice·s n’ont pas plus de 35 ans, pourquoi cette limite d’âge ?
Cette limite d’âge un peu arbitraire a plusieurs raisons d’être : d’une part, nous nous sommes rendu compte qu’il y a une réelle difficulté pour les jeunes poètes à accéder à une première publication (en dehors des publications instagram ou en revues). Nous avions envie de donner un vrai coup de pouce à cette catégorie d’auteurs et d’autrices, qui se sentent parfois moins légitimes à démarcher les maisons d’édition, ou qui ne connaissent pas bien le fonctionnement dans ce milieu. Nous fonctionnons comme un tremplin, puisque nous publions un seul texte par poète. Après quoi, nous espérons qu’ils trouveront leur place au sein d’une « grande » maison d’édition… Par ailleurs, c’était une façon pour nous de porter la voix de notre génération, d’être le reflet d’une époque dans ses nuances et sa complexité.
Qu’est-ce qui vous plait le plus dans ce métier ?
Il y a beaucoup de choses qui m’apportent de la joie dans ce métier : la découverte de nouvelles écritures, les relations aux différents partenaires, le travail en binôme avec Flora, sans qui rien de tout cela ne serait possible… Mais les périodes que je préfère sont sans doute celles où l’on travaille avec les poètes autour de leurs textes, où l’on se plonge complètement dans leur langue pour les aider à produire un livre dont ils seront fiers.
Quelles sont les maisons d’éditions qui vous inspirent ?
Je ne pourrais pas toutes les citer, elles sont très nombreuses. Évidemment, le modèle indépassable reste pour moi les Éditions Bruno Doucey, mais ce n’est sans doute pas très objectif puisque j’y travaille ! En dehors des maisons d’édition qui se consacrent exclusivement à la poésie, et que j’admire par principe car c’est un engagement audacieux, j’ai beaucoup d’admiration pour certaines maisons d’édition dont le projet éditorial est à la fois singulier et ambitieux. Je pense par exemple aux Venterniers, ou à L’Encyclopédie des nuisances.