Excellence, cheval, Italie, les trois mots-clé de ce roman ado où règne une ambiance poisseuse, alourdie par les non-dits et l’abus.
Cette rubrique, espace de billets moqueurs et de pirouettes autour des gros titres littéraires, je voulais l’inaugurer en ne parlant pas du Goncourt de Mathias Enard qui prend une dimension salutaire dans le contexte actuel. Je ne parlerai pas d’autre chose, de ce vendredi 13.
Aujourd’hui, tout le monde parle des attentats de vendredi. Tout le monde. Et c’est normal. De quoi pourrions-nous parler d’autres, nous qui ne connaissons pas la guerre, qui n’avons qu’une idée virtuelle du quotidien des gens comme nous au Liban, en Irak, en Syrie, en Palestine ?
Vendredi, nous avons tous découvert leur horreur, soudain devenue la nôtre en quelques heures. A Paris, nous avons pleuré, appelé, crié, attendu, espéré, gardé un silence hébété.
J’avais prévu de vous parler tout le week-end du salon de l’Autre Livre, auquel j’étais vendredi, de ces échanges joyeux, des rencontres, des plaisanteries, des découvertes, des copains, des sourires et des idées pour les prochains épisodes avec Asphalte, Antidata, Les Forges de Vulcain, Le Tripode, Le Grand Os, La Contre Allée, Christophe Lucquin, Le Castor Astral, La Ville Brûle, Editions Claire Paulhan, Rue des Promenades, Les Editions du Chemin de Fer...
Pendant des heures, j’ai hésité, j’ai gardé le silence, ne relayant même pas le nouvel épisode de BooKalicious. Il y a autre chose à faire que lire, me disais-je. Autre chose à faire que parler de littérature, le monde est en guerre.
Alors entrons en résistance.
Qu’y a-t-il de plus important, pour nous qui n’avons pas une armée de barbares analphabètes dopés au speed en bas de chez nous, nous qui avons encore le luxe de la liberté, qu’y a-t-il de plus important que la Culture ?
Plus que jamais, armons-nous. Développons notre force de frappe. Elevons nous en bataillons impitoyables et fondons sur notre plus grand ennemi : l’ignorance.
Ignorance is your enemy disait un t-shirt Act Up Paris. Knowledge is a weapon, disait celui que j’ai longtemps porté.
Oui, la connaissance, la culture, sont des armes dont nous disposons tous. Des armes pacifiques, des armes de construction massive. Nous apprendrons alors certaines choses salutaires. Que le mot « islam » vient de « salaam » qui signifie « paix », par exemple. Et que ceux qui ont défiguré notre quotidien vendredi n’ont pas plus cure de cette religion utilisée comme prétexte qu’Hitler n’était un pacifique joueur de djembé. Leur totalitarisme, leur fascisme à eux, c’est la bêtise. Ne la relayons pas en y croyant, n’ayons pas la faiblesse de nous laisser enrôler dans la guerre idéologique qu’ils mènent jusque dans nos foyers.
Ne cédons pas. Ne lâchons rien. Construisons nos bastions à coup de papier. Lançons-leur notre insupportable arrogance intellectuelle à la figure. Nos bibliothèques, nos revues, Saint Germain, nos éditeurs, nos écrivains immortels, nos salons du livre, nos pages cornées, nos livres surlignés. Nos disputes sur Bret Easton Ellis, sur Marguerite Duras, sur Frédéric Beigbeder, sur Poppy Z Brite, sur Nina Bouraoui, sur Mathias Enard, sur les prix littéraires. Lançons leur notre indépendance d’esprit.
Lâchons les infos, la radio, Twitter, Facebook qui nous entretiennent dans notre peur, dans notre colère, dans nos envies de vomir, aussi, beaucoup. Retrouvons le silence et le calme, essayons d’apaiser notre cerveau aussi stressé qu’un petit rat albinos dans une cage de laboratoire de tests cosmétiques. Prenons un livre entre nos mains. Il le faut.
Aux livres, citoyens!