Excellence, cheval, Italie, les trois mots-clé de ce roman ado où règne une ambiance poisseuse, alourdie par les non-dits et l’abus.
Amer Amour
Amères… pour le moins! Avec les nouvelles du recueil Cher Epoux*, l’immense Joyce Carol Oates s’avançait déjà dans des terres sombres, noires et brutales. Un certain pessimisme, presque, une vision glaçante de justesse de la nature humaine et de ses travers.
Ce solide recueil de seize nouvelles parfois longues et développées comme des novellas, confirme l'exploration de la noirceur humaine, du malaise et de la culpabilité de Joyce Carol Oates. On y croise des gens plutôt normaux, des gens qui nous sembleraient normaux si on les côtoyait à la caisse de notre magasin bio, chez le fleuriste ou au bistrot. Sauf que… sous la plume de Joyce Carol Oates, c’est tout leur psychisme et leurs non dits qui explosent, leur misère sentimentale, leur pauvreté personnelle et leur manque de reconnaissance qui s’exprime.
Il y a cette enfant qui raconte toutes les nuances d’une agression dont sa mère a été témoin, la façon dont l’histoire se modifie en fonction de ses narrateurs, et comment elle vient leur conférer une importance héroïque au sein de leur cercle amical. Il y a cette femme adultère qui culpabilise de faire garder ses enfants le temps de son entrevue avec son amant, cette femme qui se fait agresser par l’aide jardinier, cette mère qui harcèle sa fille à la sortie d’une opération chirurgicale…
Joyce Carol Oates ne se cache pas du choc provoqué par la mort de son premier mari en 2008. Choc qu’elle traduit et sublime dans son écriture, plus que jamais imprégnée de colère, de brutalité et d’implacabilité. Peur, perte, deuil, chagrin, violence. Au centre de cette danse, la femme, à la fois victime et bouc émissaire quand elle n’est pas instigatrice de son propre tourment. En gros, les femmes n’ont pas forcément volé ce qui leur arrive, que ça soit par inconscience, inconsistance, bêtise ou besoin de reconnaissance…
Mais peu importe la justification, l’idée qui sous-tend l’écriture. L’important, c’est elle, l’écriture. Ce souffle d’une puissance inégalée, d’une rigueur et d’une précision sans pitié. Pas un mouvement, un comportement, une pensée n’échappent au viseur de Joyce Carol Oates, l’une des plus grandes observatrices de l’âme humaine dans toute sa complexité et sa complaisance.
* Editions Philippe Rey
Terre Amères
Joyce Carol Oates.