Parfois, une interview se transforme. Comme une vague, elle prend une forme inattendue et se déroule dans toute sa subtilité. Parti d’un livre, « Teahupo’o le souffle de la vague », roman noir qui a pour personnage principal la vague la plus dangereuse du monde, l'échange est devenu plongée dans un univers.
Condensé cosmopolite de langues, d’écrivain·e·s, de traducteur·rice·s, de volonté, « Le Grand Tour » s’impose comme un panorama de la littérature européenne contemporaine. Il y a des livres, peu nombreux, qui sortent particulièrement de l’ordinaire. Parfois, c’est une question de style, de sujet, de voix. Parfois, d’adéquation avec l’époque, ses enjeux, ses crises. Parfois, c’est rare, un livre allie les deux axes et s’impose de fait comme un ouvrage majeur de son temps. C’est le cas de ce recueil collectif, coordonné par l’écrivain Olivier Guez. Il s’appelle « Le Grand Tour » en référence à ces voyages éducatifs effectués par les jeunes aristocrates du nord de l’Europe vers les horizons plus méridionaux du vieux continent. Ici, il ne s’agit pas d’un simple voyage d’agrément, mais d’une plongée dans l’autobiographie européenne, son histoire racontée par ses grandes plumes.
27 écrivains, tout autant que d’États membres, mettent en mots leur pays, son histoire, son identité au sein d’un continent qui peine toujours à trouver son unité. Pour construire le présent, il est indispensable de connaître le passé qui, à l’échelle d’un continent, devient commun et multiple. Dans le fond, en dehors des grandes dates, souvent tragiques, que savons-nous de nos voisins européens ? Que connaissons-nous réellement de ces pays où nous faisons escale, allons en vacances, vantons la gastronomie, critiquons les usages, apprécions l’ensoleillement ? Que savons-nous de nos liens, discordes, amitiés ou rivalités passées, gommées par le besoin de la diplomatie et la volonté d’éradiquer la guerre de nos territoires ? Souvent peu de choses, l’autre, l’ailleurs, n’étant pas spécialement inscrit dans les programmes scolaires.
La guerre en Ukraine, la première sur le sol Européen depuis les années 1990, nous rappelle la fragilité de nos valeurs, de nos intentions, de nos pactes. Elle pointe tristement la méconnaissance que nous avons encore, les un·e·s des autres sur ce contient éclectique, membre de l’Union Européenne, ou non. Ce livre, témoignage émouvant et mouvant d’une urgence, est un jalon littéraire, culturel et historique, une passerelle vers ces pays qu’une poignée d’heures sépare les uns des autres.
Collectif, sous la direction d’Olivier Guez. Editions Grasset