Excellence, cheval, Italie, les trois mots-clé de ce roman ado où règne une ambiance poisseuse, alourdie par les non-dits et l’abus.
Les Lillois·es ont de la chance d'avoir une librairie inclusive, pointue, vivante et ouverte (la librairie idéale, en somme) ! Connue pour son sens du partage et son militantisme textuel, Soazic Courbet, fondatrice de l'Affranchie Librairie et de son univers étendu, pose les bases d'un nouveau genre de librairie. Un genre que l'on aimerait bien croiser à tous les coins de rue !
Comment êtes-vous devenue libraire ?
Je faisais des études de théâtre au conservatoire et à l'université, je voulais être comédienne. J'ai eu l'opportunité de faire un stage dans la librairie théâtrale de Lille, Dialogues Théâtre. Et j'ai tout simplement eu un coup de foudre professionnel. J'ai pu entrer la rentrée suivante dans la formation en apprentissage de l'INFL et c'était lancé, je suis sortie diplômée en août 2010 et je reprenais Dialogues Théâtre en janvier 2012. Après quelques années à tout tenter pour survivre, j'ai décidé de changer le concept, la librairie était jusqu'alors spécialisée en arts du spectacle et poésie. En juillet 2016, j'ai déménagé et ouvert un rayon féminismes. J'avais 30 ans et je ne lisais plus que ça ! Je me suis donc affranchie du passé de la librairie pour faire évoluer la structure, L'Affranchie est née ainsi.
Qu’est-ce qui vous plaît dans ce métier ?
D'abord, ç'a été de pouvoir conseiller du théâtre. M'adapter aux demandes super précises de distribution, de contexte, d'histoire.. et j'organisais déjà beaucoup de rencontres avec des auteurs·rices. Ce lien direct au vivant était juste génial. Et puis, avec l'ouverture de notre deuxième spécialité, les féminismes, j'ai pu mêler mes engagements à mon projet professionnel et rencontrer des autrices de feu. Depuis septembre 2016, mon métier a pris un sens encore plus important, viscéral. L'Affranchie c'est ma vie ! ( oh la la oui j'ose )
Pourquoi ce nom « l’Affranchie » ?
Notre nom précédent Dialogues Théâtre était très intimidant et réducteur. Les gens ont peur du théâtre, ils n'en lisent pas facilement, je n'arrivais pas à développer notre image en dehors de notre clientèle déjà convaincue. Alors un jour où je suis allée voir Thelma et Louise au cinéma et qu'en sortant j'essayais de raconter l'histoire à mon collègue, Emmanuel, j'ai commencé par lui dire "Mais si tu sais, l'histoire de cette femme qui s'affranchit..." il n'y a jamais eu de suite. J'avais trouvé "L'Affranchie". Ça correspondait autant à mon parcours qu'à mes engagements.
Quel est le positionnement de votre librairie, ce qui la rend unique ?
Le croisement de nos deux spécialités : féminismes et arts du spectacle. Nous mettons l'oralité au cœur de nos choix, la poésie, le théâtre, le spoken word, on aime la littérature vive et vivante et les engagements forts pour l'émancipation, la liberté et le respect de toutes et tous. Et on fait énormément de rencontres, en moyenne deux par semaine : faire parler les livres, recevoir les autrices qui changent notre façon d'appréhender le monde, c'est notre essentiel.
Comment s’opèrent les achats, sélections, choix ?
Je sélectionne tout, rien ne nous est imposé. Je suis en veille constante sur les réseaux, les recommandations et biblio podcasts et des autrices que je suis.
Je suis aussi super contente de voir que nous commençons à attirer l'attention des éditeur·ices, qui m'envoient plus facilement leurs catalogues, des propositions de rencontres. C'est une super période, j'en suis vraiment ravie.
Avez-vous observé un changement dans le job de libraire ? (nouvelles demandes, nouvelle clientèle, modifications habitudes)
Alors le grand changement je l'ai vu à mon arrivée en 2010, on est passé d'un système old school (avec tout mon respect) qui était dans l'extrême accompagnement des clients. Quand je suis arrivée, je suffoquais littéralement d'être nécessaire pour n'importe quelle demande. J'ai donc travaillé avec mon collègue de l'époque, Rémy, à retrier les rayons et créer un parcours de librairie plus autonome. Je pense que ça correspond à ma génération (1986), on ne veut plus être assaillis par les vendeurs·ses, mais on aime comprendre où nous sommes, chercher un peu, puis demander de l'aide.
Depuis notre réouverture après le premier confinement, je ressens un besoin de lien et un retour à ce service coûte que coûte des clients·tes. On nous demande plus de conseils, plus d'accompagnement. Ce qui est très fatiguant mais une preuve de confiance aussi. Nous avons été pendant longtemps les seuls humains de la culture avec qui échanger, c'est fort, un vrai retour des commerces de proximité.
Qui sont vos client·e·s ? Que vous demandent-ils·elles le plus ? Avez-vous un portrait robot ?
Nous avons une clientèle assez vaste entre 18 et 50 ans, des personnes engagées en majorité des femmes et des personnes non-binaires. Très spécifique dans leurs recherches.
Vous réalisez également un podcast, quelle est sa fonction ? Comment vous est venue l’idée ?
Nous avons pu organiser quatre rencontres en octobre 2020, juste avant le deuxième confinement. La jauge était super limitée alors que les autrices qui venaient faisaient déplacer des foules. Une de mes clientes, Nathalis Séjean, m'a donné l'idée d'un podcast. Et m'a aidé dans sa mise en place technique en me présentant la plateforme Acast qui est notre hébergeur. Camille Cario nous a aidé pour la prise de son. Et c'était lancé ! Mon collègue Emmanuel s'est occupé du montage de toute la première saison. On a 23 épisodes disponibles, nos 23 rencontres de l'année : en public, en visio, en tête-à-tête après une séance de dédicace.
Quels sont vos coups de cœur du moment ?
Je viens de lire la superbe BD Flipette et Vénère de Lucrèce Andreae chez Delcourt :
"LA COLÈRE // FLIPETTE & VÉNÈRE de LUCRÈCE ANDREAE, le livre qui s’immisce entre les gouttes avant que l’orage ne gronde.
L’histoire de deux sœurs que tout oppose, enfin ça c’est ce que l’on tente de nous faire croire, que l’on s’oppose, que l’on soit, ou des effacés par peur, ou des colériques qui attaquent.
À la lecture de cette histoire, on se dit que les nuances sont importantes, qu’il n’est jamais trop tard pour sortir de sa bulle et de se confronter au monde : qu’il soit injuste et intolérant ou doux et bienveillant. Et que la meilleure façon d’être au monde, c’est d’être présent, vraiment présent.
On sent ces derniers jours une crispation s’élever. Une agressivité se mêler à la fatigue. Le réconfort, c’est retrouver la force de lutter, quand l’humain en a le plus besoin. "
Et en théâtre, j'ai récemment adoré La Grande Ourse de Penda Diouf chez Quartett : "BOUM BOUM // C’est en cadence que l’histoire se déroule. Le cœur qui bat, les tambours, les rumeurs, les annonces du griot. La grande ourse, c’est cette mère qui laisse tomber un papier en se levant d’un banc public. C’est la violence de l’injustice, la domination policière, l’oppression et le patriarcat, le retour à son soi le plus profond, l’étoile dans la nuit, aussi.
Cette pièce de théâtre est un bijou de réalité, un moment de vérité.
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