Portée sur les éditions collector soignées et enrichies d’illustrations bienvenues, la maison Callidor ressuscite Dracula dans un véritable écrin, enrichi par des aquarelles de l’artiste québécois Christian Quesnel, particulièrement à l’aise dans les mondes imaginaires.
Les librairies sont surprenantes. On se promène dans une ville, on la découvre, et tout à coup, , sans savoir vraiment comment, on se retrouve dans une librairie. Avec une pile de livres à la main, en pleine discussion sur les littératures de l’imaginaire scandinaves avec une libraire passionnée. Est-ce ce qui s’est passé avec « Prismatic Pages », la librairie anglophone située dans le quartier très branché de Grünerløkka, à Oslo ? Peut-être bien… Rencontre avec Indigo, une libraire à l’esprit ouvert et aux sélections éclectiques.
Comment est née cette librairie ? Comment avez-vous choisi d’ouvrir une librairie anglaise à Oslo ?
J'ai travaillé pendant plusieurs années dans des bureaux, en communication. À mesure que je prenais moins de plaisir dans ce domaine, j’ai commencé à me poser des questions sur ce que je voulais vraiment faire. Aucun emploi que je trouvais ne semblait me convenir. Finalement, j'ai fini en congé maladie en raison d'une addition de stress lié au travail et à ma vie personnelle, et, pendant que j’étais malade, j’ai dit à une amie : « Le seul travail que j’ai jamais aimé, c’était quand je travaillais dans une librairie. » Bien sûr, je savais que travailler dans une librairie et en posséder une sont des choses complètement différentes, et je n’avais aucune illusion à ce sujet. Mais quand j'ai dit cela, elle m’a répondu : « Eh bien, tu devrais ouvrir une librairie alors. » J'ai ri et j’ai totalement écarté l’idée au départ, mais ensuite j’ai commencé à penser que cela pourrait en fait être réalisable.
Juste après cela, j’ai eu la chance de trouver un cours de gestion gratuit proposé dans mon quartier dans la ville d’Oslo, appelé LokalStart, et j’ai suivi une formation accélérée sur les bases de la création d'entreprise. Cela a rendu le projet plus réel et faisable. J'ai fait quelques ventes sur des tables pop-up de marché, et environ six mois après, j’avais un magasin physique.
Au fond, cette librairie, c’était quelque chose que je voulais voir à Oslo et que j’attendais, mais qui ne s’est jamais concrétisé. Il faut être très déterminé, motivé et légèrement idéaliste pour ouvrir une librairie. Certains diraient même fou. Je pense que les gens ici sont prêts pour une librairie entièrement anglophone, tant les immigrants que les Norvégiens natifs, et cela semble déjà se confirmer.
Proposez-vous souvent des signatures de livres, des rencontres avec des écrivains ? D’où viennent-ils ?
Je suis souvent contactée par des auteurs locaux, parfois directement, parfois par l'intermédiaire de leurs éditeurs. Je prends également l’initiative de contacter des auteurs si je sais qu’ils vont sortir un livre ou qu'ils ont quelque chose à promouvoir. Notre plus grand événement à ce jour a été avec Oisín McKenna, qui est Irlandais mais vit à Londres. Cet événement, j'ai pu l’organiser grâce à une subvention de Culture Ireland.
Nous accueillons aussi beaucoup d'autres types d’événements ! Ateliers d’art, concerts, échanges de livres, clubs de lecture, et bien plus.
Qui sont vos clients ? Sont-ils principalement des expatriés ou des Norvégiens anglophones ?
C’est un mélange assez équilibré, je dirais. Nous voyons tant de profils différents parmi les habitants d’Oslo qui viennent ici : des immigrants récents, des Norvégiens ayant vécu à l’étranger ou ayant peut-être un partenaire étranger, des personnes qui ont déménagé ici il y a plusieurs décennies. Nous avons aussi beaucoup de touristes, ce qui est très amusant.
Comment sélectionnez-vous vos livres ?
C'est définitivement un art, pas une science ! Certains livres sont des classiques que j'ai lus en grandissant ou que j’adore depuis longtemps. Beaucoup sont des ouvrages des deux dernières décennies que je trouve excellents mais peut-être un peu passés sous les radars. J’essaie aussi de proposer quelques classiques cultes, et bien sûr, nous avons des nouveautés. Ce qui est le plus important pour moi, c’est qu'il y ait une grande diversité, à la fois en termes de genres, de provenance et de points de vue différents.
Qu’aimez-vous le plus dans ce travail ?
J'adore pouvoir échanger avec des lecteurs chaque jour, qu’ils lisent beaucoup ou qu’ils soient en train de renouer avec la lecture. Si quelqu'un entre dans une librairie, c'est presque certain que c'est une personne formidable.
Pourquoi avez-vous nommé votre librairie « Prismatic Pages » ?
Puisque je m'appelle Indigo, je voulais que le nom de la librairie ait un lien avec les couleurs. Indigo Books au Canada est extrêmement connue, donc ce nom n’était pas envisageable. Mais en jouant avec des idées autour des couleurs et de l’arc-en-ciel, il m’est venu que le prisme réfracte la lumière et divise la lumière blanche, révélant un arc-en-ciel. Je pense qu’un bon livre révèle de nouveaux points de vue, et ainsi est né Prismatic Pages.
Quel est votre livre préféré du moment ?
Je viens de finir deux excellents livres, qui je pense, parlent beaucoup à l’expérience de vie des femmes de mon âge, mais de façons très différentes. Le premier est « Banal Nightmare » de Halle Butler. Il suit une femme dans la trentaine qui retourne dans sa ville natale après une rupture et cherche à redonner un sens à sa vie. C’est un trope d’intrigue assez « typique », mais Butler en fait quelque chose d’incroyablement surréaliste et même dérangeant. L’histoire aborde aussi des thèmes comme le traumatisme, l'absurdité et le capitalisme. J'adore son travail. C'est un style proche de celui d’auteurs comme Jen Beagin ou Melissa Broder.
L'autre livre que je viens de lire est « Men Have Called Her Crazy » d’Anna Marie Tendler. C’est un mémoire, un genre qui peut me plaire ou pas du tout, mais celui-ci, je l’ai adoré. Sa façon de parler de sa place dans le monde, dans la société, et par rapport aux hommes, est à la fois douloureuse et touchante, mais aussi émouvante et même source de bien-être intérieur.
For our english speaking readers, please find the interview in english, just below !
How did this bookstore come to be ? How did you chose to open an english bookstore in Oslo ?
I worked for several years in office jobs, doing communications. As I enjoyed it less, I started to question what I really wanted to do. Every job I would find just didn’t speak to me. Eventually I ended up on sick leave due to a combination of work and personal life-related stress, and when I was sick I said to a friend, “The only job I ever liked was when I worked in a bookstore.” Now obviously working in a bookstore and owning a bookstore are completely different, and I had no illusions about that. But when I said that she responded, “Well you should open a bookstore then.” I laughed and totally dismissed it at first but then I started to think it could actually be feasible. Right after that I was lucky enough to find a free business class offered to my neighborhood in the city of Oslo called LokalStart, and I got a crash course in all the basics of starting a business. It made it feel more real and feasible. I did a few market pop-up tables, and about six months after that I had a physical shop. At the root of it, this bookstore was something I wanted in Oslo and kept waiting for, but it never materialized. You have to be very determined, driven, and slightly idealistic to open a bookshop. Some would say crazy. I do think people here are reader for an all-English bookshop, both immigrants and native Norwegians, and that seems to be proven true already.
Do you often propose book signings, meetings with writers ? Where do they come from ?
I am often approached by local authors, sometimes directly and sometimes via publishers. I also reach out directly if I know of someone who might be coming out with a book or have something to promote. Our biggest event so far was with Oisín McKenna, who is Irish but lives in London. That event I was able to organize through a grant from Culture Ireland. We also host so many other kinds of events! Art workshops, concerts, book swaps, book clubs and more.
Who are your customers, are they mainly expatriates or english speaking Norwegians ?
It’s a pretty good mix I would say, we see so many different kinds of Oslo locals coming in: recent immigrants, Norwegians who have lived abroad or have a foreign partner maybe, people who moved here decades ago. We also have many tourists visiting, which is very fun.
How do you select your books ?
It’s definitely an art, not a science! Some of the books are old favorites I grew up with or have loved for a long time. Many are books from the last couple decades that I think are excellent but perhaps overlooked. I also try to stock some cult classics, and then naturally we do have new releases. What is most important to me is that there is a diverse mix, both in terms of genres and from various parts of the world and different perspectives.
What do you like most in this job ?
I love getting to connect with readers every day, whether they read a lot or they are just getting back into it. If someone comes in a bookstore it’s almost a guarantee they are a great person.
Why did you name your bookstore « Prismatic Pages » ?
Since my name is Indigo I wanted the store to have a name that related to colors somehow. Indigo Books in Canada is extremely well known, so that wasn’t going to work. But as I played around with ideas about colors and the rainbow, it occurred to me that a prism refracts light and breaks up white light, revealing a rainbow. I think a good book reveals new points of view, and hence Prismatic Pages was born.
What would be your favorite book of the moment ?
I just finished two excellent books, that I think speak to the life experience of a lot of women my age, but in very different ways. The first is “Banal Nightmare” by Halle Butler. It follows a woman in her early 30s who moves back to her hometown post-breakup and is trying to figure her life out. It’s such a “typical” plot trope, but Butler twists it to become incredibly surreal and even disturbing. The story also touches on trauma, absurdity, and capitalism. I love her work. It also fits in the vein of writers like Jen Beagin or Melissa Broder I would say.
The other book I just read was “Men Have Called Her Crazy” by Anna Marie Tendler. It is a memoir, which for me can be hit or miss, but I loved this one. The way she writes about her place in the world, in society, and in relation to men, was so achingly painful but also moving and even healing.