Excellence, cheval, Italie, les trois mots-clé de ce roman ado où règne une ambiance poisseuse, alourdie par les non-dits et l’abus.
Il sort beaucoup de livres, et bien plus de bons livres qu’on ne pourrait le penser. Et il serait impardonnable de passer à côté de ces pétillantes pépites, tous genres confondus, tous styles, tout univers. C’est ça, notre vision de la littérature ! L'été se fait attendre ? Pas de problème, ça vous laissera plus de temps pour rester dans le canapé avec un livre, avant de migrer vers une chaise longue. Avec un autre livre.
L’Enjoliveur - Robert Goolrick. Illustrations de Jean-François Martin . Traduction de Marie de Prémonville. Voilà exactement le genre de texte typique d’un auteur américain. Cette construction, ce sens de la narration enlevée et du détail ciblé au coeur, de l’anecdote qui amène le sujet… Ce court texte rythmé, comme si un vieil oncle nous racontait une anecdote, parle d’un gamin qui manque de mourir à cause d’un enjoliveur. Loufoque, non ? Eh bien cet enjoliveur s’avère n’aitre qu’un prétexte pour raconter une histoire tendre et affectueuse de lien familial, de la relation du petit garçon à sa grand-mère et à sa mère. C’est drôle et touchant, et, en plus, c’est une belle leçon d’écriture illustrée dans un esprit 50’s raffiné. Editions Anne Carrière
Ma nuit entre tes cils - Grégory Cingal. Perdre l’objet du désir, l’être aimé… Comment sublimer ? Comment y survivre, tout simplement ? Grégory Cingal apporte quelques délicates pistes à travers un texte ciselé, presque diaphane. La femme aimée est morte prématurément, le narrateur la dessine à travers ses souvenirs, les détails du quotidien, les traits de caractère de la disparue. Loin toute idée de puzzle mortifère ou d’enquête poussiéreuse, la succession de scènes oscille entre finesse et tendresse, sans jamais pencher vers le désespoir. La tristesse est palpable, bien sûr, mais n’envahit jamais le propos, n’élève jamais rien à cette poésie amoureuse en prose. Editions Finitude
Carrières de sable - Jérôme Baccelli. Dans le monde entier, des cadres de grosses multinationales disparaissent, purement et simplement. Ils se volatilisent du jour au lendemain, d’autres voient leurs identités effacées. Toutes ces « victimes » possèdent le mmmm type de profil professionnel. Ce sont les valets en costume, téléphone et voiture de fonction d’entreprises tentaculaires inhumaines, les larbins de la finance mondiale. Sur fond de terrorisme international, une enquête est menée avec détermination et froideur par un narrateur qui joue avec son lecteur, le promène, le déstabilise, l’agace aussi parfois un peu pour mieux le rattraper quelques pages plus loin. Vu le contexte économique et politique actuel et l'islamophobie galopante, ce livre fait froid dans le dos avec une certaine justesse ! Editions Le Nouvel Attila
Spada - Bogdan Teodorescu. Traduction de Jean-Louis Courriol.La littérature roumaine, vous connaissez ? Non ? Eh bien, nous non plus avant la lecture de ce polar politique en provenance du pays de Dracula. Un meurtrier sévit sans pitié. Ses victimes ? Des Roms. Souvent avec un certain casier judiciaire. On suit l’enquête à travers non pas un flic alcoolique et bedonnant, mais la classe politique dirigeante et les médias. Le style, froid et objectif, enserre dans un étau invisible qu’il est difficile de quitter. Maison d’édition nouveau-née et spécialisée dans la littérature « d’ailleurs », proche et méconnue à la fois, Agullo tape fort pour son faire-part de naissance ! Editions Agullo
Quelques rides - Fabien Clouette. Les Editions de l’Ogre, familières de textes à la langue dense, à l’univers original et tout en dentelle, livrent ici un roman bien étrange. Il est question de rivalités, tensions, meurtres et animosités dans un port de pêche touristique. Entre les mains, nous avons le carnet d’un psychiatre qui retranscrites les notes de Capvrai, son patient et chef d’un hôtel où « personne ne vient jamais ». On pense un peu à Shinig, un peu à Twin Peaks, avec cette étrangeté planante et la schizophrénie du narrateur. Toutes les clés du roman sont données au lecteur en tout début de roman, il n’y aura donc pas de surprises de narration… Surprenant ? Oui, bien sûr. Et ce n’est rien comparé à la façon dont se déploie le style, dont les focalisations bougent, dont l’espace éclate au contact d’une écriture hors-normes, entre poésie, retenue, humour et indifférence. L’histoire, au final, est là pour servir la langue, et non l’inverse. Editions de l’Ogre
Retour à Babylone - Kenneth Anger. Traduction de Gwilym Tonnerre. On connaît le cinéaste déjanté est mystiqu. Le type qui a inspiré Scorsese et Lynch, inventé l’imagerie homo cuir et posé les bases des narrations éclatées dans le cinéma. On a découvert une encyclopédie vivante sur les coulisses d’Hollywood avec « Hollywood Babylone », paru chez Tristram qu’il prolonge ici. Anger raconte ce qu’il sait, ce qu’il a vu, ce qu’il a entendu sur les grands noms du cinéma. Leurs secrets les plus bas, leurs vices cachés, leur déviances et leur faiblesses. Imaginez un peu une chronique people avec des noms autrement plus prestigieux que les losers pathétiques qui peuplent les magazines de plage, tenue par une figure phare de l’esthétique sulfureuse. Au lieu de savoir avec qui couchent des footballeurs, on apprend que James Dean avait des morpions. Et ça, ça n’est qu’un détail… Anger parvient à « balancer » sans jamais verser dans le voyeur ou le malsain. Il connaissait ces gens et les appréciait. ça se sent , et c’est d’autant plus agréable à lire. Editions Tristram
Koumiko - Anna Dubosc. Comment parler d’un sujet aussi délicat que la disparition d’un proche ? Comment raconter sa mère, lentement dévastée par Alzheimer ? La mère de la narratrice, Koumiko, perd lentement ses facultés, glisse dans le non sens et l’absurdité. Koumiko, cette artiste immortalisée par Chris Marker… Koumiko, qui perd lentement contact avec le monde réel et pourtant, sa fille ne cède pas au pathos ou à la tristesse. Sous sa plume prend vie une sorte d’inventaire, de tango, de succession de tableaux vivants, décalés, parfois absurdes ou loufoques. La fille, les filles, ne rendent pas hommage, elles célèbrent leur mère, célèbrent la vie dans une tendresse joyeuse et positive. Editions Rue des Promenades
Le Livre de l’Homme - Barry Graham. Traduction de Clélia Laventure. Partir sur les traces d’un ami écrivain perdu de vue et mort du SIDA dans une ville que l’on a quittée depuis plusieurs années, quelle drôle d’idée… Kevin Perrin retourne à Glasgow pour les besoins d’un reportage sur Michael Illingworth, ce fameux écrivain avec qui il était ami à l’époque de la fac. Se confronter à son passé, à des histoires avortées, à une autre vie importe toujours un risque : celui de devoir faire face à des fantômes imprévus… Barry Graham, avec ce livre puissant, parfois précis comme un documentaire, signe un portrait vif et implacable d’une ville en équilibre, menacée par la drogue, la violence et le chômage. Porté par une écriture brute et cinglante, poétique et profondément humaine, Le Livre de l’Homme fait partie de ces grosses claques littéraires dont les anglo-saxons ont le secret ! Editions Tusitala