[INTERVIEW] Livr&Co : faire rimer livre et écologie

Jeune association, portée par Charles Hédouin et Marion Carvalho, Livre&co pose les bases d'une nouvelle manière de concevoir la production éditoriale, en y associant des données écologiques, responsables et durables.

[INTERVIEW] Livr&Co : faire rimer livre et écologie

Date
30/8/2021
Lecture
Partage
Tags
No items found.

Jeune association, portée par Charles Hédouin et Marion Carvalho, Livre&co pose les bases d'une nouvelle manière de concevoir la production éditoriale, de la repenser, d'y associer des données écologiques, responsables et durables. À l'heure où les questions écologiques ne peuvent plus être ignorées, l'écosystème du livre reste pourtant peu enclin à se remettre en question et à changer ses habitudes. Conseils, formations, démonstrations, explications, l'écologie est livrée sur un plateau avec Livre&Co !

Livr&co, qu’est-ce que c’est ? Comment est né ce projet ?

Livr&co est une association créée en juillet 2020 par Charles Hédouin et Marion Carvalho dans le but de promouvoir le livre écoconçu auprès du grand public et (in)former les professionnel·les du livre vis-à-vis de l’édition écoresponsable. Ce comptoir des lectures durables est progressivement devenu un agrégateur des différentes démarches et expérimentations en termes d'écoconception — à travers les ouvrages référencés. Nos activités se diversifient désormais, suite aux besoins des professionnel·les du livre exprimés et des demandes de vulgarisation de la chaîne du livre reçues par les animateur·rices culturel·les et les lectorats :

  • le site livreco-comptoir.fr référence la traçabilité des livres écoresponsables de notre collectif de maisons d’édition éthiques et vertueuses (une vingtaine de structures à ce jour, pour plus de 150 titres référencés) ;
  • la librairie itinérante s’ancre sur tout le territoire régional francilien en favorisant les partenariats avec des tiers-lieux écologiques, culturels ou solidaires, des boutiques éphémères, des marchés atypiques et des salons du livre alternatifs — l'objectif étant d'aller à la conquête de nouveaux événements pour les livres (salons et marchés écologiques, centrés sur une consommation « bio » au quotidien) ;
  • les formations en écoconception éditoriale permettent une transition vertueuse des professionnel•les du livre dans toute la France, principalement grâce aux Agences Régionales du Livre et de la Lecture ;
  • les ateliers et les animations pédagogiques sensibilisent le grand public (adulte et jeunesse) aux impacts environnementaux et sociétaux du livre et aux grands enjeux de son écoconception ;
  • le service d'écoconception éditoriale — à destination des entreprises, des associations, des particuliers et des artistes-auteur·rices —, accompagne la réalisation écoresponsable des projets éditoriaux imprimés envisagés de manière vertueuse.

Le projet est né de notre envie d'appliquer nos convictions écologiques personnelles à nos métiers et à nos environnements professionnels. C'est lors du premier confinement que nous avons pu profiter de ce moment de « pause » pour envisager cette aventure avec nos consœurs et confrères de l'édition écoresponsable (rencontré·es lors de divers festivals et salons avec notre propre structure éditoriale : la Maison des Pas perdus), afin d'esquisser ensemble des alternatives à la surproduction et au modèle de diffusion-distribution très polluant. Tou·tes, nous avions le souhait de passer d'une chaîne du livre tentaculaire et verticale (si ce n'est pyramidale) à un écosystème du livre plus horizontal, favorisant des productions locales et une commercialisation en circuit-court.

Il nous semble qu'il est grand temps d'arriver à une méthodologie d'analyse du cycle de vie appli -
quée aux productions littéraires. Cela passe évidemment par la relocalisation de l'industrie graphique

Quels sont les enjeux écologiques que vous identifiez autour du livre ?

Il nous semble qu'il est grand temps d'arriver à une méthodologie d'analyse du cycle de vie appliquée aux productions littéraires. Cela passe évidemment par la relocalisation de l'industrie graphique et éditoriale en France, mais également par la recherche de moyens de quantifier les conséquences de nos choix éditoriaux et de distinguer clairement les différentes valeurs et qualités de certains labels/certifications/normes et des procédés techniques induis. De plus en plus de maisons d’éditions indépendantes ne se retrouvent plus dans la fuite en avant que génère le système des offices (avec ses allers-retours incessants et une durée de vie de plus en limité des nouveautés en librairies), qui pousse à produire toujours plus pour gagner en visibilité et fini par faire s'accumuler les invendus — dans un monde où cela coûte moins cher financièrement de détruire (pilonner) que de stocker, mais avec un coût environnemental totalement ignoré. Les libraires peinent, de leur côté, à mutualiser leurs commandes auprès des diffuseurs-distributeurs et à ne plus recevoir de cartons — pleins de plastique à usage unique — contenant un seul livre, commandé par un·e seul·e lecteur·rice pressé·e (puisque les non-délais d'Am@zon sont devenus la norme pour les consommateur·rices d'aujourd'hui).

L'enjeu porte sur l'impact environnemental de cette industrie, puisque l'édition est véritablement devenue une industrie dans la deuxième moitié du XXe siècle, mais également sur les conséquences sociales de ses activités. Relocaliser et produire en France permet de protéger des emplois français locaux, valoriser nos savoir-faire nationaux et bien sûr rémunérer au mieux possible chaque participant·e de cet écosystème. Le mouvement « Paie ton auteur ! » et le collectif Auteur·rice en Action a également permis de révéler les inéquités au sein même de la répartition des richesses dans le système éditorial contemporain. Effectuer une transition vers un écosystème du livre, circulaire et vertueux, permettrait justement de participer à une économie sociale et solidaire pérenne.

Dès les prémices de sa réalisation. Un livre écoresponsable prendra en compte la participation
à une économie sociale et solidaire et intégrera dans sa conception les impacts locaux et sociaux
de sa concrétisation matérielle. Ainsi, de façon générale, l'écoconception prend en considération

Qu’est-ce qu’un livre écoconçu ?

Un livre écoconçu, c'est un ouvrage qui prend en compte l'impact environnemental de sa production dès les prémices de sa réalisation. Un livre écoresponsable, prendra en compte la participa- tion à une économie sociale et solidaire et intégrera dans sa conception les impacts locaux et sociaux de sa concrétisation matérielle. Ainsi, de façon générale, l'écoconception prend en considération non seulement les choix de matériaux, les modes de production, la logistique de la diffusion-distribution, les usages et la fin de vie des livres, mais aussi les aspects sociétaux : l’impact sur les communautés locales, la santé et la sécurité des artisan·es du livre mais aussi des lecteur·rices. Cela rejoint en grande partie les axes d'applications des « Objectifs de développement durable » des Nations Unies.

Nous pourrions entrer encore plus dans le détail technique (papier certifié ou recyclé, encre à base d'huile végétale, format rationnel, made in France...), ce que nous faisons d'ailleurs à travers nos formations.

Quelles sont les solutions que vous proposez aux différents acteur·rices du secteur ?

Comme évoqué plus haut, nous proposons un certain nombre de formations à destination des professionnel·les du livre. Vous   retrouverez   les   intitulées   de   celles-ci   à   ce   lien. De plus, en tant que collectif de maisons d'édition écoresponsables, nous proposons également de développer un marché en circuit-court (à l'échelle de la région Île-de-France) des catalogues respectueux de l'environnement — en développant la dimension de librairie itinérante et une offre de surdiffusion à la rentrée 2021. Concrètement, nous représentons sur stand les ouvrages référencés sur le comptoir en ligne lors d'événements culturels et thématiques en région parisienne, et nous envisageons de proposer des réunions éditeur·rices-libraires à la rentrée pour faire connaître aux points de vente « écosensibles » la production éditoriale raisonnées de leur localité et à l'échelle nationale également. L'objectif sera de centraliser les commandes et les stocks de maisons d'édition auto-diffusées et de réduire les frais de port pour les points de vente qui souhaiteraient bénéficier de la sélection d'ouvrages de Livr&co et repartir directement avec des exemplaires de plusieurs maisons d'édition — suite à ces réunions commerciales. Nous sommes encore en pleine réflexion et prospection pour proposer cette nouvelle offre prochainement.

Nous sommes également disponibles pour accompagner des projets sur la partie conception et le suivi de fabrication. Cela nous permet de faire bénéficier à d'autres maisons, ou même à des auteur·rices auto-édités, de notre base de données de fabricant·es français·es et des matériaux la- bellisés que nous connaissons bien. Ainsi, nous nous adaptons à tout type de projets imprimés, aux contextes locaux des producteur·rices et bien sûr à leur économie. Ce qui peut même passer par une logique de compensation des impacts environnementaux dans certain cas.

Peu importe le genre littéraire que vous cherchez : pour un contenu particulier, vous trouverez chez Livr&co un contenant écoresponsable.

Nous proposons également des animations et des expositions pour les environnements scolaires et les bibliothèques/médiathèques, afin de vulgariser la chaîne du livre et sensibiliser les publics à sa transition écologique.

Qui sont vos partenaires, vos adhérent·es ? Comment travaillez-vous ensemble ?

Nos premiers partenaires et nos adhérent·es sont majoritairement les éditeur·rices des maisons d'édition alliées du projet. Cela permet de pratiquer en acte l'intelligence collective et de développer des services seulement si cela répond à des besoins professionnels concrets de ces pro- ducteur·rices des livres. Les adhérent·es participent aux assemblées générales de l'association et votent pour les décisions importantes de gestion et de développement de notre comptoir commun.

Nous fonctionnons pour l'instant en dépôt-vente, dans une relation de confiance mutuelle. Cela nous permet de discuter ensemble du nombre d'exemplaires à intégrer à nos stocks et de n'envisager les retours qu'en dernier recourt (pas avant 1 an) et de proposer à notre lectorat un véritable parcours de lecture cohérent, en sélectionnant des catalogues très variés (tant sur leurs formes que sur les fonds développés) avec des ouvrages complémentaires (et non pas des « livres clones », qui évoqueraient tous l'écologie sous un seul et même angle). Notre mission est de montrer que peu importe le genre littéraire que vous cherchez : pour un contenu particulier, vous trouverez chez Livr&co un contenant écoresponsable.

Comment sensibilisez-vous le lectorat aux problématiques écologiques liées au livre ?

Comme évoqué précédemment, à la fois en allant à la rencontre directe des lecteur·rices franci lien·nes via des stands lors d'événements culturels de la région, mais également par des animations en milieu scolaire ou des interventions, des conférences et des podcasts ou des interviews (comme ici !)

Le monde de l'édition, de manière générale, fascine. La prise de conscience qu'un livre n'est pas qu'un simple bloc de papier (avec le préjugé regrettable : « ça vient du bois donc, c'est bon, c'est renouvelable et recyclable à l'infini », voire pire : « autant faire du livre numérique pour ne plus avoir à couper des arbres ! ») réalisé uniquement sous la seule impulsion d'un·e auteur·rice, mais que cela mobilise énormément de personnes et de savoir-faire, révèle un milieu professionnel passionnant et surtout un ensemble d'interdépendances complexes. Cela permet de démystifier cette idée que l’œuvre tombe du ciel et que son pendant matériel et privé du moindre soupçon de pollution. L'édition, encore une fois, est un marché industrialisé. Et le livre est avant tout une aventure collective.

Votre voeu écologique et littéraire le plus fou ?

Tellement de choses nous viennent en   tête   avec   Marion   suite   à   cette   question... Nous nous permettons donc de répondre, tant qu'à faire, avec toute une liste de vœux :

  • Pouvoir faire rimer écologie et économie ;
  • Réussir à pérenniser un modèle économique viable pour les maisons d'édition d'avant- garde, écoresponsables, et répartir la richesse de la façon la plus équitable possible entre tou·tes les acteur·rices du livre ;
  • Créer et animer un festival du livre écoresponsable ;
  • Parvenir à mettre en place une méthodologie quantitative et qualitative, sur-mesure pour les productions éditoriales, avec l'ADEME (Agence De l'Environnement et de la Maîtrise de l'Énergie) ;
  • Être entendu par les institutions publiques pour réussir à créer des subventions et/ou des prix incitatifs, vis-à-vis de la cohérence éditoriale entre contenu et contenant (via un co- mité « écoconception » ou « écoresponsable » au CNL notamment, pour ne plus subir l'injonction contradictoire d'ouvrages jeunesse traitant de l'écologie mais fabriqués en Asie par exemple...) ;
  • Et encore plein d'autres choses !

Articles récents

[INTERVIEW] Dana Grigorcea : "Le monde est rempli de vampires"

Si vous pensiez tout savoir du célèbre Vlad Dracula, c’est que vous n’avez pas encore ouvert ce roman hybride, où vampires, communisme et capitalisme voisinent avec quiproquos et humour.

[INTERVIEW] Denis Infante : "Ce que je voulais, c’était décrire un monde à hauteur d’animal"

Il y a des livres, comme ça, auxquels on ne s’attend pas. Où, dès les premières lignes, l’on sait qu’il y aura un avant et un après dans notre paysage de lecture. « Rousse ou les beaux habitants de l’univers » en fait partie. Échange avec Denis Infante, l’auteur derrière les aventures de cette renarde mystique et courageuse. 

[INTERVIEW] Éditions Black-Out

Rencontre avec Fabrice Garcia-Carpintero, fondateur des éditions Black-Out