Portée sur les éditions collector soignées et enrichies d’illustrations bienvenues, la maison Callidor ressuscite Dracula dans un véritable écrin, enrichi par des aquarelles de l’artiste québécois Christian Quesnel, particulièrement à l’aise dans les mondes imaginaires.
Maison d'édition de littérature contemporaine, Publie.net s'équilibre entre le papier et le web. Ses livres ou ses "objets éditoriaux", s'enrichissent parfois par le numérique, sans jamais délaisser le papier. Avec près de 25 titre par an répartir sur une dizaine de collections, Publie.net fait partie de ces éditeurs indépendants pour lesquels agilité numérique n'entache en rien la qualité éditoriale. Rencontre avec Guillaume Vissac, écrivain et éditeur membre du comité éditorial de Publie.net.
Je suis éditeur parce que...parce que des voix s'éveillent en secret, tous les jours, dans l'écriture et qu'il convient de les faire entendre à d'autres, de leur donner écho. Et de trouver la meilleure forme possible pour y parvenir au mieux.Comment êtes vous devenu éditeur ? D’abord, en étant un lecteur attentif et amoureux des voix contemporaines. Puis en écrivant moi-même. publie.net a été à l’origine mon premier éditeur, plusieurs années avant que je commence à m’y investir dans un autre rôle lors de la reprise de la maison par le collectif actuel (car c’est une aventure collective). Déjà, avant la reprise, publie.net permettait aux auteurs de prendre part au travail en communauté (collaboration les uns avec les autres pour retravailler les textes, les relire, les corriger, les sélectionner aussi). Aujourd’hui nous avons souhaité poursuivre ce travail en commun (d’ailleurs c’est depuis un nous que je m’adresse souvent). Mais travailler dans l’édition n’était pas ma vocation première : j’ai étudié les lettres par goût pour la littérature mais mon parcours professionnel m’a emmené vers des secteurs qui n’avaient rien à voir. En réalité, c’est la même chose dans ce métier que dans l’écriture : c’est au contact des livres que je me suis construit (et que je continue à le faire). Depuis la reprise de la maison il y a quelques années, je suis devenu éditeur au fur et à mesure, au contact des textes en gestation, des rencontres, des problèmes rencontrés au quotidien et des solutions trouvées pour les résoudre. Et toujours en collaboration avec les autres associés de la maison (Philippe Aigrain, Emmanuel Delabranche, Louise Imagine et Roxane Lecomte, auxquels je peux ajouter Julie Cénac qui nous a rejoint il y a un peu plus d’un an comme chargée de relations libraires). Nous formons une équipe soudée et nous avons aussi la chance de travailler avec d’autres auteurs amis ou fidèles de la maison (pour le comité éditorial, les relectures, ou différentes collections du catalogue). Et travailler ensemble, c’est un plus.
Comment avez-vous défini la ligne éditoriale de votre maison ? Quelle est la particularité de publie.net ?publie.net a d’abord existé comme éditeur numérique avant de publier des livres papier, avec pour ambition de donner à lire des voix contemporaines et de s'intéresser aux expérimentations issues du web littéraire. Nous sommes donc particulièrement sensibles aux écritures qui sont nées ou qui se sont développées sur le web, ou aux formes qui y répondent (poésie, littérature fragmentaire, récits non-linéaires, romans expérimentaux entre autres). Nous continuons aujourd’hui à explorer cette ligne, qui est devenue avec le temps une réelle marque de fabrique, parce que nous avons le sentiment que le web est un espace aujourd’hui incontournable pour l’invention littéraire ; non pas seulement un lieu pour la promotion ou les liens avec les lecteurs mais bien un lieu privilégié de création.
On raconte de tout sur les sélections de manuscrits, comment les lisez-vous ? Comment choisissez-vous vos auteurs ? Avant tout, nous sommes très attentifs à ce qui s’écrit et ce qui s’expérimente sur le web. Il y a une réelle effervescence sur ces espaces (au-delà de la simple sphère des réseaux sociaux), et notamment en français. On peut donc dire que c’est notre terrain de jeu privilégié. Nous recevons également des manuscrits par email (nous ne recevons pas de manuscrits papier pour la simple et bonne raison que nous sommes éparpillés géographiquement et que nous aurions du mal à les faire circuler) et nous prenons le temps de les lire au sein d’un comité éditorial élargi et d’en discuter à plusieurs. Dans la mesure du possible nous tâchons de répondre et de donner nos impressions sur un texte afin que nos avis soient argumentés même en cas de refus. Comme de nombreux éditeurs nous recevons bien souvent des manuscrits ne correspondant pas du tout à notre ligne éditoriale et nous ne cessons de recommander aux auteurs de lire nos livres avant de nous soumettre un texte. Pour comprendre ce qu’on aime, il n'y a pas de meilleure façon que de se plonger dans les livres que nous publions.Comment se passe la complémentarité papier / numérique ? Comment ne pas léser le papier en proposant des versions numériques ? Nous avons pour particularité de jouer à fond la complémentarité des supports : nous déclinons souvent les œuvres que nous publions en leur donnant des formes différentes en papier, en numérique ou sur le web. Nous encourageons aussi nos lecteurs et lectrices à passer de l’un à l’autre (par le biais d’un code, les acheteurs du livre papier peuvent obtenir la version numérique correspondante sans coût supplémentaire). C’est une façon pour nous de mettre en relation deux environnements de lecture qui ne sont pas opposés : on peut parfaitement avoir des usages différents d’un même livre selon le support sur lequel on le lit (aimer avoir l’objet livre entre les mains, corner une page, surligner un passage tout en souhaitant pouvoir accéder à des ressources additionnelles ou faire des recherches facilement dans un texte numérique, pour retrouver un passage par exemple). Dans les deux cas, nous réfléchissons beaucoup sur la qualité d’objet (il y aussi une notion d’objet en numérique, même s’il s’agit d’un support immatériel) et une version numérique de bonne facture n’enlève rien au livre papier, bien au contraire : elle le prolonge, elle l’augmente.Vous publiez beaucoup de livres conceptuels, livres objets, pourquoi ce parti pris ? Peut-être que parler de livres objets dans notre cas serait un peu exagéré, mais nous aimons effectivement nous affranchir des formes traditionnelles d'édition (que ce soit en matière de roman ou de poésie), par exemple dans le soin apporté à nos maquettes (papier), aux fonctionnalités (numériques), à la transmédialité ou l'interactivité web. Cela tient je pense à la particularité des écritures qui nous intéressent : beaucoup d’auteurs se sont appropriés ces dernières années le web sous tous ses aspects (publication sérielle sur des sites ou des blogs, récits aléatoires, construction d’objets plus ou moins interactifs, inclusions de sons, de vidéos, d’images, travail de création sonore, détournement des réseaux sociaux comme support d’invention, etc.) et ont construit de réelles œuvres littéraires qui dépassent parfois le cadre des genres établis. Malheureusement nous vivons dans un monde qui peine à considérer à leur juste valeur ce type de créations et le passage par l’objet livre reste un indispensable moyen de valider la démarche d’un auteur. Nous aimons tout particulièrement travailler avec ce type de projets et faire vivre ces livres singuliers auprès d’un public de lecteurs qui n’auraient pas forcément fait la démarche de découvrir ces sites.
Qu’est-ce qui vous plait le plus dans ce métier ? Le travail avec les auteurs, lorsque le texte est encore un matériau en mutation et que l’on est au plus près de la création. Cela donne naissance à de réelles collaborations, dont la nature peut être assez variables en fonction des textes et des personnes. On ne reproduit pas à chaque livre le même schéma de travail, on s’adapte à la singularité des projets et des personnes, on essaye de trouver comment servir le texte de la meilleure des façons possibles. Voir naître ces voix, aider à ce qu’elles puissent atteindre leur potentiel, c’est particulièrement stimulant. À l’autre bout de la chaîne, assister aux premières lectures publiques ou concevoir des performances à partir de ces livres fait également partie des grands plaisir que j’ai à faire ce travail. Le texte atteint alors encore une autre dimension, il initie une rencontre avec ses lecteurs. C’est aussi la concrétisation de longs mois de travail, une forme d’aboutissement.