Portée sur les éditions collector soignées et enrichies d’illustrations bienvenues, la maison Callidor ressuscite Dracula dans un véritable écrin, enrichi par des aquarelles de l’artiste québécois Christian Quesnel, particulièrement à l’aise dans les mondes imaginaires.
Genre florissant dans la littérature anglo-saxonne et encore plus spécifiquement américaine, le nature writing reste encore timide en France. Les prises de conscience liées à la question environnementale délient les plumes, et les livres, romans, essais, nouvelles, mettant en scène et en question la nature se font de plus en plus nombreux. Un français, un américain et un anglais nous emmènent à la rencontre d’un monde sauvage menacé.
Lettres pour le monde sauvage. Wallace Stegner. Traduction d’Anatole Pons-Reumaux.
C’est l’un des pionniers du genre (le nature writing, donc, pour ceux et celles qui n’ont pas suivi), et l’une des grandes plumes américaines et plus spécifiquement encore, de l’Ouest américain. Ces lettres, entre réflexion, observations et souvenirs, dépeignent un monde qui n’est plus, qui disparait lentement pour ne subsister que dans la mémoire de l’auteur. Les cours d’eau, les couleurs, les chants des oiseaux, les prairies du Montana et du Dakota prennent vie au fil des mots inspirés de Wallace Stegner, marcheur inépuisable et défenseur forcené des grands espaces qui l’ont vu grandir. Wallace Stegner lie, comme seuls les américains savent le faire, son histoire personnelle à l’histoire de son pays, en pleine expansion dans la première partie du 20e siècle. À la fois naturaliste, conteur, scribe, il rend éternel ce monde sauvage et ces modes de vie aujourd’hui disparus et questionne, avec discrétion, notre rapport actuel à la nature et à la « modernité ». Editions Gallmeister
Dans les forêts de l’ours. Rémi Huot.
L’ours. Quel randonneur, photographe, amoureux des animaux, n’a pas rêvé d’en rencontrer « en vrai », d’en observer au coeur d’une forêt, quitte à devoir attendre des heures, quitte à ne jamais seulement l’apercevoir ? Rémi Huot, ancien ornithologue (des oiseaux aux ours, il n’y a qu’un pas!), est parti dans les forêts d’Europe de l’Est, sur les pas des ours. Il raconte, dans ce court texte à l’écriture vivante et poétique, sa quête pacifique et solitaire au milieu des forêts.S’il est obsédé par l’ours, il n’en reste pas moins attentif à toute la faune et la flore qui l’entourent, aux espèces qui bruissent autour de lui et qu’il fait vivre au fil de ses observations. Il plonge son lecteur en pleine nature, sans jamais l’abreuver de descriptions abstraites ni le perdre dans un lyrisme lourd. Rémi Huot aime et connaît la nature, et partager son amour passe par une simplicité et un naturel qui rendent l’identification immédiate. Tout de suite, on est là, avec lui, chaussures de marche aux pieds, un peu fatigués par la marche de la journée, impatient des surprises du lendemain. Il rappelle d’ailleurs John Muir, par son rapport à la marche, au lien qu’elle permet à la nature, par son rythme dynamique et méditatif à la fois. Marcher, observer, attendre à la recherche d’un ours, que demander de plus, dans la vie ? Editions Le mot et le reste
Les rois du Yukon. Adam Weymouth. Traduction de Bruno Boudard.
Quand j’étais enfant, l’un de mes rêves était de descendre le Yukon en canoë. La vie ne m’ayant pas orientée dans une carrière d’aventurière ni de naturaliste, je me contente (pour le moment) de lire des récits d’aventures. Celui d’Adam Weymouth, jeune journaliste anglais spécialisé dans les questions environnementales m’a fait penser deux choses : tu as raté ta vie / il n’est jamais trop tard (ce qui n’est pas faux, mais n’est plus très vrai en regard de l’urgence climatique). Adam Weymouth s’est lancé dans une aventure complexe et longue sur les traces des saumons, et plus spécifiquement encore, du saumon royal, dont l’existence est menacée, et au-delà, celle des populations autochtones qui dépendent de lui.
Au fil de sa descente du fleuve, de ses rencontres, de ses observations émergent des questions de fond sur le rapport de l’homme à la nature, la manière dont sa prédation menace les espèces animales, mais également les humains. Entre journalisme et nature writing, le propos d’Adam Weymouth nourrit une réflexion globale sans jamais verser dans la culpabilisation. Il faut un talent indéniable pour faire réfléchir et rêver à la fois. Editions Albin Michel