Parfois, une interview se transforme. Comme une vague, elle prend une forme inattendue et se déroule dans toute sa subtilité. Parti d’un livre, « Teahupo’o le souffle de la vague », roman noir qui a pour personnage principal la vague la plus dangereuse du monde, l'échange est devenu plongée dans un univers.
Si les livres sont toujours meilleurs que les films auxquels ils donnent parfois vie, il arrive néanmoins que l'on se dise, en lisant "bon sang qu'est-ce que ce serait bien en film". Sans doute pour pouvoir ensuite dire que le livre était mieux, bien sûr !
La fin des idoles. Nicolas GaudemetAndy Warhol avait prédit que tout le monde voudrait avoir son 1/4 d’heure de célébrité. Dans un monde saturé et envahi par les écrans pour tout et n’importe quoi, sa maxime semble prémonitoire. Dans cette dystopie (qui n’est pas sans rappeler les thématiques «Glamorama» de BEE et «Cortex» d’Ann Scott) neurosciences et psychanalyse s’affrontent, elles aussi, dans ces nouveaux jeux du cirque que sont les émissions de télé autour de Paloma, ancienne starlette de téléralité qui sombre dans l’oubli et la dépression… Qui gagnera la bataille, et à quel prix ?Premier roman d’une finesse et d’une pertinence déroutantes, «La Fin des Idoles» décrit un monde bien familier et pointe son exhibitionnisme maladif avec justesse. L’auteur évite les clichés et livre une vision philosophique de cette société du spectacle que nous critiquons tout en la nourrissant de notre plein gré. Fin analyste de l’époque Nicolas Gaudemet fait voisiner Jung et Nabilla avec une aisance stylistique jubilatoire.Editions Tohubohu
Jérôme. Jean-Pierre MartinetRoman unique, inclassable, «Jérome» nous plonge dans les eaux troubles de la vie de Jérome Bauche, obèse obsédé par une certaine Polly. Impossible à résumer, cette fresque hallucinée au style tantôt trash, tantôt d’une poésie flamboyante, rappelle Gogol, ou Dostoïvesky. Céline, aussi, beaucoup, par sa noirceur et son humour pessimiste. Epuisé, le livre bénéficie d’un nouveau tirage «anniversaire», pour célébrer ses 40 ans, et les 25 de la mort de son auteur.Emporté par un flot de pensées noires, pessimistes, cyniques, déformées par l’hypersensibilité (limite de la paranoïa) du héros, le lecteur n’a qu’une option : plonger avec lui dans cette fresque à la fois délirante et touchante, oublier toute référence, littéraire ou rationnelle. Il serait tentant de rapprocher «Jérôme» d’un «Festin Nu» de Burroughs, tant l’hallucination s’incarne au fil des pages et transporte dans un autre monde.Editions Finitude
Borealium Tremens. Mathieu Villeneuve. David, un jeune écrivain abîmé par la vie hérite de la Maison brûlée à la mort de son grand-oncle, maison paumée au fond des bois peuplés d’histoires de fantômes, de prophéties et de croyances ancestrales. David part s’y retrouver, écrire un grand roman et apprendre l’agriculture. Cependant, le séjour bucolique ne va pas s’avérer de tout repos, entre les tiques, les fantômes et le délire épais et alcoolisé qui s’empare de David. Parfois un peu maladroit, notamment dans les dialogues et les archétypes des personnages, le premier roman de ce jeune québécois parvient néanmoins à tisser une atmosphère envoûtante et dérangeante qui ne s’allège pas au fil des pages. Très fort dans les descriptions de nature et de paysages, dans son approche de la ruralité québécoise, Mathieu Villeneuve montre qu’il possède une plume de conteur.Editions La Peuplade
Feu et flamme. Maurice RaphaëlUn couple se retrouve prisonnier en pleine forêt d’un incendie, sans douté déclenché par un mégot. Le pique-nique du 15 aout tourne au cauchemar, et Suzanne et Louis vont choisir de fuir, de s’enfoncer dans les bois pour tenter d’échapper aux flammes qui les rattrapent. Mais au fur et à mesure que le danger s’intensifie, la tension monte au sein du couple et les vieilles rancoeurs explosent au grand jour, tandis que les flammes se rapprochent.Il faut un talent certain pour jongler entre la tragédie grecque, dont les principes élémentaires de l’unité de temps, de lieu et d’action sont respectés, et le huis clos conjugal. Avec un style sobre, très cinématographique par ses descriptions et la croissance du suspens, l’auteur joue avec les nerfs du lecteur. Lui aussi a l’impression d’être entouré par les flammes, et se demande bien ce qu’il ferait à la place de ce couple acculé.Editions Finitude