Excellence, cheval, Italie, les trois mots-clé de ce roman ado où règne une ambiance poisseuse, alourdie par les non-dits et l’abus.
Bang bang my baby shot me down ! Entre la France et le Mexique, la littérature noire de chez noire a de beaux jours devant elle… Ce n’est pas après la lecture de ces deux livres qu’il serait trop facile de qualifier de polars que vous direz le contraire. Accrochez vous, ça va saigner. Et dites vous que ces deux livres sont des premiers romans, de femmes à la plume qui ne rate pas sa cible…
Ni de jour ni de nuit - Orfa Alarcón. Traduit par Mélanie Fusaro Non, le polar mexicain n’est pas le nouveau polar suédois. S’il est vrai qu’il existe sans doute de très bons polars suédois (je n’en lis pas, désolée), et de très bons polars mexicains (j’en ai lus quelques uns), celui-ci est une pure merveille. D’ailleurs, ce n’est pas vraiment un polar, pourquoi vous dis-je ça ? Parce qu’il y a du sang, de la violence, des caïds, des têtes coupées et des chapeaux qu’on essaie de faire porter, des vengeances et des gens qui font peur ? Ce serait aller un peu vite. Imaginons plutôt un mélange subtil de Tarantino et de série B (celles avec un minimum de budget, entendons-nous bien) pour poser l’ambiance. Prenons ensuite une héroïne étrange, à la fois fascinée par Julio, le bad boy par excellence et visiblement bien trempé dans des affaires plus que douteuses vu comment démarre le roman (si votre copain.copine rentrait couvert.e de sang, vous trouveriez ça normal ?), mais pas cruche pour autant. Fernanda n’est pas une de ces héroïnes nunuches qui se trainent aux basques des caïds. Si son homme la fascine, elle fait tout de même preuve d’une certaine autonomie et d’un sang-froid étonnant. Au point de monter à son tour des opérations pas très reluisantes qui vont lui causer quelques soucis… Rythmé et rapide, ce premier roman casse les codes et clichés du genre, le récit de gangsters latinos / roman noir, en exploitant l’humanité et les paradoxes des personnages. On a souvent lu des histoires de méchant au grand coeur et de gentille tordue, mais c’est bien plus subtil que ça. C’est toute la complexité humaine qui est au coeur de ce roman et qui en met plein les dents. Jusqu’à la dernière ligne. Je vous aurais prévenu.e.s. Editions Asphalte
Par les rafales - Valentine ImhofIl y a du sang, du sexe, du rock’n’ roll et pas mal de vomi dans ce premier roman à l’ambiance étouffante et visqueuse. Si la personnalité de l’héroïne, tatouée et portée sur la fuite, rappelle Lisbeth Salander de Millenium, l’auteure la cisèle au fil des chapitres rythmés par des références cinématographiques, musicales, mythologiques et littéraires. Ce roman très noir parle d’une fuite et d’une traque, d’une survie compromise et d’un parcours piégé. Alex fuit, mais on ne comprend pas tout de suite qui, elle a le corps recouvert de tatouages, mais on ne sait pas tout de suite pourquoi. On le découvre au fil des pages, de ses retours en arrière et de ses rencontres. Avec une narration fluide et imagée, grondante et menaçante comme un ciel norvégien, Valentine Imhof nous jette sans détours dans une histoire de vengeances multiples. Non, vous n’en saurez pas plus, car si l’on se doute un peu rapidement du pourquoi du comment, ce n’est pas une raison pour le spoiler purement et simplement, on n’est pas au Masque et la Plume. L’intérêt n’est pas dans « l’intrigue » dans ce genre de roman noir, mais dans le déroulé des événements et leur articulation. Même si elle fait de nombreuses références à la culture norvégienne, Valentine Imhof écrit là un polar « à l’américaine » , avec des gens abîmés par la vie et leur histoire, fragiles et violents, imprévisibles et sans merci. Il serait cliché de dire qu’on ne sort pas indemne de cette lecture, mais c’est pourtant le cas. On ferme le livre l’estomac secoué et les mains moites. Editions Rouergue