Excellence, cheval, Italie, les trois mots-clé de ce roman ado où règne une ambiance poisseuse, alourdie par les non-dits et l’abus.
Sexpowerment is the new sex
Dans la vie, il y a plusieurs façons de pourrir l’ambiance d’un dîner en ville ou d’un apéro entre copines : parler de politique en sachant pertinemment qu’il y a une ou deux personnes aux tendances discutables dans l’assemblée, ou parler de féminisme, quelle que soit l’assemblée et votre degré d’intimité avec ladite assemblée. En 2016, à moins d’être entouré(e)s de soi-même, et encore, il n’y a rien de tel pour faire partir une discussion supposée civile en guerre de tranchées façon Starship Troopers. La prostitution ? Le porno ? Le genre ? L’orientation sexuelle ? Les hommes ? Les femmes ? La mixité des débats ? La façon de réagir dans la rue face aux interpellations vulgaires ? Le poil ? La vision d’une relation ? C’est parti pour quelques heures, beaucoup de poings sur la table, de haussements d’épaules et de ton, et, éventuellement, quelques ami(e)s en moins sur Facebook dans la foulée.
Difficile, parfois, donc, de se sentir une âme de féministe et de trouver où donner de la tête. Difficile de faire son trajet, définir ses choix, ses affinités à moins d’être très patient(e) et armée d’une tondeuse à idées ou d’avoir déjà une culture en béton. Mais même avec une mère ancienne militante du MLAC et du MLF, c’est pas gagné. Et même là, ça peut fuser au brunch du dimanche. C’est ça, l’apprentissage, pourrait-on dire. Faire son chemin à l’aveuglette, avec ses convictions à soi que l’on confronte à celles des référent(e)s, puisant ses éléments à gauche et à gauche, et construisant peu à peu son opinion.
Si par hasard, gagner du temps et moins s’arracher les cheveux faisait partie de votre programme, il y a un livre à lire. Un seul. Un seul livre à lire et tout est soudain repeuplé : Sexpowerment de Camille Emmanuelle.
La « journalope » à la plume vivante et gonzo intelligente décrypte un sujet qu’elle connaît bien, pour écrire dessus depuis de nombreuses années : le sexe. Le sexe en soi, et le sexe en tant que ressort de l’idéologie latente et dominante, en tant que tabou d’une société qui souffre de son héritage judéo-chrétien un peu lourd. Camille Emmanuelle se définit « sexe-positive » plutôt que pro-sexe (courant féministe américain un peu plus fun et porteur que les autres), et elle a bien raison. Dans ce livre, entre récit et analyse socio-politique, elle décrypte les grandes tendances de la sexualité en trois piliers : Le corps, les apparences et l’éducation sexuelle ; Les plaisirs, les sexualités et le désir ; Les réacs, les féministes et les putes. Trois grands axes qui en contiennent beaucoup de petits où l’on se retrouve, où l’on tilte, où l’on navigue dans une bonne humeur, une réflexion et une sincérité positives, justement.
Loin les tabous, loin les complexes, loin les cases et les jugements. Loin la morale, la bienséance et les carcans, à commencer par ceux que l’on s’impose à soi. Jamais pédant, le discours de Camille repose sur du vécu, de l’observation, et, surtout : la sincérité. Elle ne donne pas de leçons, pas de cours, pas de mode d’emploi. A part, peut-être de vivre sans se prendre la tête et d’expérimenter, sans faire n’importe quoi pour autant. Juste considérer le sexe dans sa dimension ludique, éducative et prolongement de soi sans pour autant considérer qu’on vit au pays des Baisounours et que tout est merveilleux, entendons-nous bien.
Jamais démago, jamais consensuelle, Camille aborde la pornographie, le travestissement, la prostitution, le viol, et autres sujets parfois délicats sans masques, sans faux-semblants, toujours avec un angle décalé, remettant l’humain au coeur de la question, et pas le bien ou le mal. Et plus encore que son ton décomplexé, comme si on parlait avec une amie bienveillante, c’est cette intégrité qui nous emporte, nous parle et résonne dans notre petit cerveau en pleine quête permanente de soi.
Moi président, j’instaurerais ce livre au programme dès la première !
Sexpowerment
(petite précision à l’intention des trolls, je ne parle pas des gros monstres poilus qui sévissent dans les contes, quoi que… bref : personne n’est « visé ». « Merci de votre tolérance » comme dit un grand artiste que j’aime beaucoup. Et stay tuned buddies, il y a une chouette interview qui arrive)